Ils arborent les initiales de leur Etat, le Texas, comme une signature, mais ce n'était pas leur intention de départ. A l'origine, The Outfit, TX, s'appelait tout simplement The Outfit, jusqu'à ce qu'un groupe de rock du même nom leur enjoigne d'en changer. Cependant, l'ajout de ces deux lettres s'est avéré adéquat, tant ce trio est imprégné de l'héritage rap texan, avec sa musique cinématique doublée d'une épaisseur soul, à apprécier pleinement au volant de son véhicule.

THE OUTFIT, TX - Cognac / Four Corner Room

Mel Kyle, Dorian Terrell et JayHawk Walker, pourtant, ne sont pas basés à Houston, la place forte du rap texan. Ils y ont fondé leur groupe, mais tous les trois proviennent en vérité de Dallas, une ville dont ils se veulent les porte-drapeaux. Ils y sont d'ailleurs retournés, en 2013, l'année où ils ont sorti le double-album Cognac / Four Corner Room.

Celui-ci, dont on ignore le statut (il est vendu comme un album sur plusieurs sites commerciaux, mais il est aussi distribué gratis sur les plateformes de mixtapes), est leur second projet. Toutefois, il n'est pas une œuvre collective. JayHawk n'y participe pas. Il a laissé le champ libre à Mel et Dorian, les fondateurs du trio, qui contrairement à lui sont à la fois producteurs et rappeurs. Ils livrent donc chacun un album personnel, comme Big Boi et André 3000 avaient pu le faire autrefois avec Speakerboxx / The Love Below. Ils perpétuent aussi le son de leur premier album, Starships & Rockets.

Celui-ci avait pour sous-titre Cooly Fooly Space Age Funk, lequel était censé définir le sous-genre musical propre au trio : une collision entre UGK pour la touche texane, les susnommés Outkast pour la fantaisie afro-futuriste et la posture arty (les gens de The Outfit, TX sont clairs, ils ne viennent pas du ghetto, et ils ont été bercés par le rap d'Atlanta), et G-Side pour la tournure atmosphérique de leurs sons. On pourrait d'ailleurs croire qu'ils ont volé le nom de leur premier album au Starshipz and Rocketz de ces derniers, mais c'est en fait à un morceau de 8Ball & MJG, une autre de leurs influences manifestes, qu'ils l'ont emprunté.

Cognac / Four Corner Room continue à exploiter ce style. Mais il met aussi en exergue les traits propres à chaque rappeur. Sur son Cognac mielleux et sirupeux, Mel se révèle le plus habile des deux, verbalement parlant, avec sa voix extrêmement suave et son phrasé souple. Parce que ce rappeur-là est plus ou moins le leader du trio, son disque est aussi le plus proche de Starships and Rockets, comme le montrent dès le début "Purple Diamond Tea” et “isyagonshakeit?".

Ces deux titres sont grands, tout comme l'admirable "Right Brain Tipsy". Pourtant, Cognac est le moins inspiré des deux albums. Il est traversé de moments lassants, comme "Munky Muzik". Et même les ambitieux "Drunk Sex" et "Ride", ou l'interminable "Voyage To Atlanta", qui traduisent l'idéal sensuel et luxueux de leur auteur, ne convainquent pas avec leur cloud rap et leur structure en plusieurs mouvements.

Il en est autrement pour Four Corner Room. Cette partie, dont les beats sont tous de Dorian (alors qu'il seconde Mel à la production sur Cognac), indique qu'il est un musicien plutôt qu'un rappeur, mais aussi, qu'il est à l'origine des atours psychédéliques et aériens de la musique du trio. Il le prouve d'entrée avec l'un de leurs morceaux de bravoure, le single "Hourglass", qui laisse parler longuement une musique onirique, avant qu'on n'y entende de premiers raps.

Un mot proscrit a déjà été utilisé pour qualifier ce morceau : trip-hop. Et il y a bien de cela. De grandes nappes. Des arpèges majestueux survenant à des moments inattendus, comme à la fin de "Amazing". Des longues plages contemplatives comme avec le piano de "Wake Up". Des effets plus communs dans la musique électronique que dans le rap, comme avec "M.A.R.S.", ou cet "Everyone's For Sale" entre ambient et trance. De la quasi synth pop sur "Straight No Chaser". Et un hommage à ce grand précurseur de la musique synthétique qu'a été Stevie Wonder, avec "Girl Blue".

Sur Four Corner Room, même s'ils sont parfois à la limite du kitsch, les sons suppléent au flow trop mécanique. Ils complètent ce double album qui contentera ceux qui, chez The Outfit, recherchent le rappeur, ou au contraire le musicien.

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