En 2008, Rick Ross est devenu un objet de railleries quand a circulé une photo, datant du milieu des années 90, qui le montrait en uniforme de maton. Ce rappeur, qui aime tant se mettre en scène dans les habits d'un baron de la drogue, celui-là même qui a chipé son pseudo au gros bonnet "Freeway" Rick Ross, a donc été un agent de la loi. Cet épisode a déclenché la vindicte des défenseurs les plus fervents de l'authenticité dans le rap, notamment 50 Cent, qui s'est engagé dans un long beef avec lui. L'année d'après, pourtant, c'est bel et bien le gros barbu de Miami qui triomphe, quand il sort son troisième album sur le label qu'il vient de créer, Maybach Music Group. Titré ambitieusement, Deeper Than Rap est en effet parfois considéré comme son apogée.

RICK ROSS - Deeper Than Rap

Dès "Mafia Music", un titre où, d'entrée, il engage un nouveau round de sa guerre avec 50 Cent, Rick Ross incarne son personnage de parrain sublime. Il revient à la tradition du gangsta rap nouveau riche et tape-à-l'œil de la fin des années 90, mais pour en livrer une version ultime, paroxysmale et surréelle. Deeper Than Rap est, tout entier, un hymne à l'ascension sociale, une suite d'autocélébrations invraisemblables, parlant de plaisirs matériels (les bagnoles sur "Maybach Music II") ou licencieux (le sexe oral sur "Face"), nous faisant part d'une vie fantasmée faite de luxe, de confort et de volupté ("Magnificent", "Yacht Club"), avec une grosse voix lourde, chaude et charismatique qui souligne le tout.

Se positionnant comme le disque du triomphe, Deeper Than Rap compte une foule d'invités : de vieilles gloires de la décennie 90 (Nas, Foxy Brown), les deux rappeurs les plus en vue des années 2000 (Lil Wayne, Kanye West), le maître de l'Auto-Tune (T-Pain), un protégé dont on va reparler plus tard (Gunplay) et sa voisine de Miami (Trina). En plus de ces gens, il y a aussi tout un tas de chanteurs comme Robin Thicke, John Legend, Ne-Yo et The-Dream, ainsi que Magazeen, issu quant à lui du dancehall, qui accompagne Rick Ross dans sa croisière aux Caraïbes ("Yacht Club").

Deeper Than Rap n'est pas seulement plus profond que le rap ; il va souvent au-delà. C'est un vrai disque de major, de la variété à la sauce gangster. En plus des chants fréquents, la production riche, luxuriante et aux petits oignons assurée par J.U.S.T.I.C.E. League, The Inkredibles, The Runners et quelques autres, bascule sans cesse entre la dangerosité de vraies bombes rap, et le kitsch suave et doucereux du R&B.

On est en droit, sur Deeper Than Rap, de préférer les titres les plus âpres, ceux où l'homme de Miami se livre avec éclat à son numéro de gangster magnifique ("Mafia Music"), s'engage dans un dialogue salace avec Trina ("Face") ou rend compte de la face sombre de la vie de malfrat ("In Cold Blood"). Ces passages sont souvent les meilleurs. Et ceux captivés avant tout par cette version de Rick Ross vont mieux trouver leur compte sur les mixtapes d'après, The Albert Anastasia EP, Ashes To Ashes, Rich Forever, souvent plus courtes et compactes, moins ouvertes aux compromis.

Cependant, les morceaux aux intonations R&B ne sont pas tous irritants. Ils peuvent même être assez puissants, par exemple "Usual Suspects", avec Nas. Et surtout, ils cadrent totalement avec l'univers d'insolence, de démesure et de plaisir où se met en spectacle le rappeur. C'est baroque, c'est exagéré, c'est too much. Et c'est l'essence même de Rick Ross.

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