Jusqu'ici, c'est en duo qu'ont avancé Lil Herb et Lil Bibby. C'est ensemble, que ces deux représentants de la scène drill de Chicago ont livré leur première mixtape, Heir Apparents, considérée par certains comme l'une des plus notables de l'année passée. Malgré quelques projets dans les cartons, ils ont pris leur temps avant de se lancer en solo. Lil Bibby est celui qui a tiré le premier, fin 2013, avec Free Crack. Mais celui qui s'en sort le mieux, c'est l'autre, avec un Welcome to Fazoland qui est sans doute, avec le Back From The Dead de Chief Keef et le Signed to the Streets de Lil Durk, l'une des toutes meilleures choses à nous être venues à ce jour de Chiraq, et une confirmation que la drill music n'aura pas été qu'un feu de paille.

LIL HERB - Welcome to Fazoland

Les détracteurs de ce sous-genre en parlent souvent comme d'une perversion du rap, comme de sa dégradation, de sa dégénérescence. Et pourtant, à bien écouter ce travail proposé par le jeune Herbert Wright avec le concours de Don Cannon, on constate que les choses ont finalement peu changé depuis les années 90. Comme autrefois, voici un rap qui cherche à rendre compte des dangers de la jungle urbaine et à nous parler des tactiques de survie de ses habitants, dans une ambiance sombre et paranoïaque, sans excuses, sans moralisme, de manière cruelle et crue. Voici un rap, nihiliste et gangsta, qui propulse tout à coup dans la culture populaire des Etats-Unis le nom de l'un des quartiers les plus violents de son territoire, Chicago Southside, comme d'autres avaient pu le faire avec Compton, 25 ans plus tôt.

Voici un artiste qui a l'esprit du clan, ne conviant que des compères issus de la même scène, Lil Bibby bien sûr, mais aussi Lil Durk, Lil Reese et King Louie, et intitulant son projet en hommage à un ami, Fazon Robinson, un membre de son gang, NLMB, tué par balles en 2010. Voici un homme qui, aussi, à la 2Pac, sait ouvrir son cœur d'artichaut en marquant son attachement à sa mère ("Mamma I'm Sorry"). Voici un rappeur enfin qui, techniquement parlant, se montre à la hauteur, doublant une voix éraillée qui fait plus que son âge d'une grande agilité verbale, jonglant avec le beat et jouant avec le rythme, passant à l'occasion en mode double time.

Ce qui n'est plus pareil en revanche, c'est la trame musicale, la scène drill ayant fait siens les synthétiseurs insolents venus du Sud. Mais on n'a rien perdu au change, car ces beats sont ici de qualité supérieure. Les sons vaporeux de "At the Light", les basses profondes de "Koolin", les samples façon chœurs bulgares de "4 Minutes Of Hell Part 3" et de "All My Niggas", magistraux, et enfin les nappes de "All I Got", tout cela n'est rien que prodigieux. Ceux qui s'étaient mis en quête de la première mixtape événement de l'année 2014 ne la cherchent donc plus. Elle est ici, elle s'intitule Welcome to Fazoland et elle nous vient de Chiraq, Drillinois.

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