Dans les années 2010, non seulement E-40 est-il encore actif. Il n'a, en plus, jamais été aussi productif. Après être devenu le porte-drapeau du rap de la Bay Area dans les années 90, puis avoir parrainé le mouvement hyphy au cours de la décennie 2000, il propose désormais des projets à tire-larigot. Il est si prolifique que ses albums sortent en série, à l'image des quatre Revenue Retrievin' (2010-11) et Sharp On All 4 Corners (2014), des six The Block Brochure (2013), sans oublier les deux History (2012), avec l'autre figure historique des lieux, Too Short. De nos jours, E-40 est si fécond qu'il devient ardu de tout écouter, de tout aimer, de faire le tri.
Alors, à qui chercherait un album solide parmi les livraisons récentes du vétéran, conseillons le dernier volet de la quadrilogie Revenue Retrievin', Graveyard Shift. Sorti le 29 mars 2011, soit le même jour que son jumeau, Overtime Shift, il s'en distingue pourtant. Sa principale singularité est, comme le suggère le titre, son atmosphère sombre et mortuaire.
E-40 s'y exprime quasiment toujours sur des sons pesants, gros synthés terroristes sur "Fried" (avec Tech N9ne, grand spécialiste de ces ambiances étouffantes), chœurs sépulcraux ("Back & Forth", avec ses proches Turf Talk, Cousin Fik et Stresmatic), ou bien raps screwed sur un "That Candy Paint" renforcé par deux Texans notoires, Slim Thug et Bun B.
Quand il s'agit de parler d'autres choses que de bagnoles, les textes optent eux aussi pour un registre lourd et menaçant. E-40 entame le disque en proclamant être un barbare et un sauvage. Il rend compte de la jungle urbaine sur "Concrete" et "The Streets Don't Love Nobody", ou de la prison sur "Trapped". Avec "My Lil Grimey Nigga", il brosse un portrait sombre de la nouvelle génération, représentée ici par son fils Droop-E, qui signe une production noire et décharnée. Rares sont les moments souriants. A part peut-être ce "Club on Lock" destiné au club, mais ce titre est infâme.
Il y a d'autres plages dispensables sur Graveyard Shift. Rien de surprenant pour un disque rempli de vingt titres, sorti par un rappeur qui n'a encore jamais délivré son opus magnus, en dépit d'une carrière longue et faste. C'est trop, bien trop, mais une poignée de titres, par exemple l'accrocheur "Serious" produit en totalité et chanté en partie par T-Pain (sans Auto-Tune cette fois), un récit autobiographique sur les obstacles qu'E-40 a dû affronter au cours de sa vie, sont dignes d'intégrer le best-of imaginaire de l'homme de Vallejo.
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