Les gens d'Elefant Traks, ces cousins australiens des rappeurs indé nord-américains, leurs égaux en termes de rap à l'esprit large, sont bien sous tout rapport. Ils sont créatifs, inventifs, inspirés, et dépassent avec adresse les frontières habituelles du genre. Pourtant, pendant longtemps, le hip-hop rempli de vrais instruments du groupe phare du label, The Herd, a paru taillé pour la scène plutôt que pour le studio.

THE HERD - Summerland

Malgré quelques coups de génie, par exemple le single "I Was Only 19", la reprise très réussie d'un titre de 1975 contre la guerre du Vietnam, les albums ont peiné à convaincre sur la longueur. Jusqu'à la sortie de celui-ci, leur quatrième.

Sur Summerland, le propos est toujours très politisé, le groupe se positionnant clairement à gauche. Le premier single, "The King Is Dead", célèbre notamment la chute récente, après un long règne, de l'ancien premier ministre australien, le très conservateur John Howard. Et sur "2020", le groupe exprime toute sa défiance envers la classe politique.

Mais avec The Herd, cet engagement n'est jamais rasoir, il est toujours subtil et pensé, comme le prouve le portrait de l'industrie musicale australienne brossé sur "When You Escape (Music Vs Fashion)". Surtout, il rime avec diversité, légèreté, entrain, les petits tubes ne manquant pas ("The King Is Dead", "Toorali"), pas plus que les jolis passages mélancoliques ("Pearl", "Black & Blue", "The Next Movement").

Et cette fois encore, une partie du groupe étant faite de musiciens "traditionnels", tout cela est magnifié par des arrangements riches, avec profusion de cordes, de cuivres, de flûte, de guitares, d'orgue, de piano, de percussions, voire d'accordéon, histoire de donner au disque ce ton folklorique et gitan qui a souvent caractérisé ce hip-hop des antipodes.

Autre élément distinctif, le groupe passe sans accroc des raps d'Urthboy et d'Ozi Batla aux chants de Jane Tyrrell, qui se montrent décisifs sur un morceau comme "Freedom Samba". Et il tente des excursions dans d'autres genres musicaux, le reggae par exemple, sur le très bon "A Few Things".

Tout ce soin fait de Summerland l'album le plus accessible de The Herd. Avant qu'ils n'avancent plus loin sur la voie dangereuse d'un rap grand public, ils livrent avec ce disque l'exemple type d'un hip-hop à l'Australienne affranchi des modèles américains. Même si, à en croire l'affirmation de quelques témoins, tout cela n'arrive pas à la cheville de ce que les huit de Sydney sont capables de délivrer sur scène.

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