De prime abord, on aurait juré avoir affaire à du rap éclectique en provenance d’Outre-Manche, en découvrant les Cankles. Mais non, ces gens-là sortaient en fait d'Amérique. De Chicago, même, plus précisément, une ville qui nous avait habitués à un underground rap certes riche et foisonnant, mais de facture plutôt classique, des Molemen aux All Natural, en passant par les artistes du label Galapagos4. C'est pourtant dans l’entourage de ces derniers qu'étaient apparus les six ou sept membres principaux de ce groupe éphémère et à géométrie variable.

THE CANKLES - Goddamn

Kid Static, le seul Noir du groupe, et aussi le seul dont à s'être fait connaître par une carrière postérieure, rappait et jouait du synthétiseur. Ricky Ropesack chantait, produisait et s’occupait des percussions. DJ Intel et DJ Once a Month (quel pseudo !) scratchaient. PMO faisait de la guitare. Jello aussi, et en plus il chantait. Quant à Jam One, son truc, c'était le beatboxing. Avec une telle équipe, il était donc normal que les maîtres-mots de ce groupe de hip-hop à la fois live et électronique aient été l’éclectisme, la fantaisie et le télescopage des genres. Pour avoir un aperçu de la formule, il suffisait de pencher l'oreille sur le festival de sons du "Cankle Main Theme". Ce morceau ne s'appelait pas ainsi pour rien. Il était une signature, un manifeste, et proposait en concentré tout ce dont le groupe était capable : pluie de scratches, gimmick électronique imperturbable, guitare furibarde et beatboxing, le tout assemblé en crescendo.

Il y avait d’authentiques titres de rap sur Goddamn!!, comme avec "Closed Eyes", ce "Mr. Sinister" de potache et le franchement entraînant "Magic Sesh", un cocktail d’orgue, de guitare funk et d’électronique au feeling très live. Mais il y avait aussi de jolis exercices d’électronique downtempo, comme "Hibernation", comme "Brandy Snifter", comme ce "Delirium Tremens" parsemé de scratches ou comme ce "Bunny Killer" parcouru par une guitare paisible et par une jolie voix féminine susurrante. Enfin, il y avait également du funk à la "Sex Machine", renforcé d’orgue, et de scratches, encore et toujours, sur "Leftover". La diversité n’a certes jamais été une qualité en soi, et cela faisait beaucoup pour un album aussi court. Cependant, même si le hip-hop métissé de ces Chicagoans n’était pas irréprochable, même si leurs titres taillés pour le live n’excellaient pas dans tous les domaines, cet unique Cankles a été une surprise agréable et une bouffée d'air frais, pour les rares bienheureux qui l'avaient alors découvert.

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