Il est amusant, voire édifiant, de constater voir le statut de Sean Price a évolué au fil du temps. Dans les années 90, répondant alors au nom de Ruck, il participa à l'âge d'or du rap hardcore new-yorkais au sein du Boot Camp Click et du duo Heltah Skeltah, livrant notamment le remarquable album Nocturnal (1996). Pour autant, l'homme n'occupa jamais le premier plan de la scène East Coast. Et quand le hip-hop voulut passer à autre chose, il retourna à l'anonymat, vivant quelques temps de petits trafics. Et puis, à nouveau, le vent tourna. En 2005, après qu'il eut entamé sous son véritable nom une carrière solo, l'album Monkey Barz redora son étoile. L'un des rares vétérans à avoir su redonner ses saveurs au rap à l'ancienne, il redevint une référence pour les puristes. Puis il confirma, en 2007, avec un autre album, Jesus Price Superstar, sorti encore chez Duck Down, le label historique du Boot Camp, ce qui suscita encore plus d'attente pour sa troisième livraison.
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Celle-ci, annoncée dès 2009 sous le titre de Mic Tyson, tarda pourtant à voir le jour. A la naissance de son fils, Sean Price voulut se consacrer à sa famille, et ne sortit plus qu'une mixtape, Kimbo Price, avant que le disque tant attendu ne voie enfin le jour, en 2012. Or, celui-ci se montra comme l'attendaient les puristes du rap, les gens de Random Axe qu'il fréquente assidument, des historiques de l'underground comme Ill Bill et Pharoahe Monch, qui l'accompagnent ici, ou comme Evidence et The Alchemist, qui produisent une bonne part des morceaux.
Sean Price a passé l'âge d'innover. Il se contente de livrer ce qu'on attend de lui : du boom bap comme on n'en fait plus, orné de scratches ici ou là, de samples cinématiques, certains d'un minimalisme menaçant ("STFU, Part 2"), d'autres gorgés de soul (l'orgue chaleureux du très bon "Straight Music") ou jouant du style horrorcore ("Solomon Grundy"). Il y a aussi du rap vindicatif et plein d'assurance sur Mic Tyson, beaucoup, surtout. Et des bons mots, une adresse au micro qui cherche à éclabousser les adversaires, comme le montrent le titre et la pochette du disque, qui prolonge ce vieux parallèle entre l'art du rap et celui de la boxe.
Dès un "Bar-Barian" dont le beat nous ramène droit en 1995, le rappeur proclame sa volonté de rester fidèle à lui-même. Plus tard, il affirme sur "Price & Shining Armor" que le rap hardcore n'est pas mort, qu'il va le ressusciter à lui tout seul. Et pour que le tableau soit complet, on a droit à une prestation du membre le plus éminent du Boot Camp Click, Buckshot, sur le très bon "Frankenberry". Et de fait, Price honore sa promesse : comme autrefois, il excelle à habiller de sa voix des boucles d'une sobriété confondante, comme les cinq notes répétitives de "Pyrex".
Fort de son aisance verbale, Sean Price s'attaque aussi à la concurrence, Jay-Z et Kanye West sur "Hush", l'un des titres les plus remarquables de l'album, ainsi qu'à une jeune génération davantage préoccupée par son style vestimentaire que par sa virtuosité au micro, sur "Bar-Barian". Certes, on approche du syndrome du vieux con, mais on ne fait que le frôler. Talent aidant, durée des morceaux aussi (tous tournent autour des deux ou trois minutes), Price parvient encore, sur ce Mic Tyson bien ficelé, à sonner juste, frais et pertinent, à défaut de proposer du neuf.
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