Issu de Chicago, Maintenance Crew ne se distinguait pas du rap finalement conventionnel qui se pratiquait sur la scène indé de la Windy city, et au-delà, dans l’ensemble du Midwest. Le premier album du trio, Eternal Sunshine of the Simple Mind, était fait tout entier de bonnes vieilles boucles jazzy, de scratches épars et bien dosés, de raps graves et engagés pleins de chroniques de la vie chicagoane, d’épisodes biographiques introspectifs et de politique qui sentaient bon le spoken word. Il s’inscrivait dans la lignée de labels comme Rhymesayers et Galapagos4. Ca n'était que du connu, de l’éprouvé. Mais Dieu, que c'était bon.

MAINTENANCE CREW - Eternal Sunshine of the Simple Mind

Inconnu avant cet album (et presque autant ensuite, malgré d'autres disques remarquables), le trio formé par Ubiquity, Chantalism et Kash, un Mexicain et deux Asiatiques, livrait en effet, en plein milieu de la décennie 2000, le disque de jazz rap parfait des années 90. Ces gens qui se plaçaient sous le patronage d'A Tribe Called Quest et de Digable Planets, réalisaient aussi la prouesse de sortir 75 minutes d'une musique quasiment dépourvue de déchets.

Inutile de décrire en détail cette formule mille fois entendue. Précisons seulement que du piano et saxophone de "Winter Discontent" (ou plus loin de ‘Twisted Nerves’) à la fanfare de l’original "Kareoke King don't Hurt 'em", en passant par les basses énormes de "Butter Knife Blues", la guitare et les scratches de "Urban Renewal", l’autre guitare, plus mélancolique, de "Simple Withdrawal", le remonté "Independence Day", et le piano cool de "Last Minute Sorrow", rien n'était à jeter. Et que dire du saxo de "Shadows Revisited2wice", un récit amoureux relancé au bon moment par une jolie guitare ? Ou bien des chants étranges et des scratches de "Shoot to Kill Order" ? Ainsi que du classieux "Eternal Sunshine", de ses percussions, de son orgue ?

Même les interludes, généralement aussi jazzy que le reste, valaient le détour. Il n’y avait en fait guère que le chialeur "Slice of Memory", la guitare bluesy de "Soundcheck @ 5 :24 pm" et un "Iam Savanh" rappé en langue laotienne, qui étaient en retrait. Sur chacun des autres titres ou presque, la combinaison exclusive de deux boucles simples et des paroles de deux rappeurs, maximum trois, suffisaient au bonheur de l'auditeur, et perpétuait un vieil art, le boom bap, que l'on pensait ne pas avoir survécu aussi bien à l'entrée dans le nouveau millénaire.

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