Endemik Music :: 2013 :: acheter cet album

Avant de collaborer avec Scott Da Ros, l'ermite des bois en question s'est d'abord distingué comme artiste spoken word, participant à plusieurs concours de slam, et sortant deux albums autoproduits, The Woods Are Burning, et un plus remarqué Love's Dark Season, vanté en des termes élogieux par de vieilles connaissances, Jesse Dangerously et Timbuktu, sur son site Bandcamp. Ce nouvel album, cependant, voit le rap parlé de Hermitofthewoods accompagné par les beats du patron de son nouveau label, par un hip-hop d'après le hip-hop qui se mélange à des sons rock, folk, électronique, et qui accueille avec bienveillance de "vrais" instruments, ainsi que les voix des chanteurs Tim Crabtree et Breagh Potter.

Des cordes et synthétiseurs de "Shibboleth" aux percussions trépidantes de "Break the Chains", en passant par le piano sobre de "Alive Under the Sun", les sons sont riches, variés, mais l'ambiance générale demeure toujours la même: elle est morne et lugubre. Elle ne fait qu'appuyer les paroles, comme il se doit avec du spoken word. Car notre homme, manifestement, a beaucoup à dire. Land of the Lotus Eaters, en effet, est un album verbeux et engagé. Il cherche à réveiller ses contemporains perdus dans une vie sans objet, distraits de leurs luttes par des médias inconséquents, et qu'il compare aux Lotophages de la mythologie grecque, qu'une consommation exclusive de lotus avait fini par rendre étrangers au monde.

On connait le refrain. L'homme est aliéné par les politiques, la religion, la télévision, les riches, l'industrie et la technologie, bref, par le système, et il serait bien qu'il brise ses chaînes. Hermitofthewoods a beau se présenter comme poète et dégainer des phrases sophistiquées ("Wendigo psychosis made us gigapixel littigants, victims of the dry snitch", sur "Shibboleth"), le tout ne brille ni par l'originalité ni par la subtilité, la palme revenant au rousseauiste "10,000 BC", où le rappeur (ou déclamateur) nous invite à nous souvenir des temps préhistoriques, et des nécessités qui nous ont poussés à créer cette civilisation qui nous enferme.

"This ain't a feel good album made to dance and grind", declare EMC, ancien complice de Hermitofthewoods au sein du groupe The IMF (alias les Intelligent Motherfuckers), présent sur 'State of the Union". Et il a bien raison, ce n'est pas un album fait pour danser et réchauffer les cœurs. Les paroles n'y contribuent pas, et la musique non plus, sombre, poisseuse, oscillant entre un climat dépressif et des passages rageurs, comme "Last Call" avec ses guitares et cuivres énervés.

Si l'objectif de Land of the Lotus Eaters était de n'évoquer que léthargie, peines et désolation, il l'atteint. S'il était de saisir l'auditeur à la gorge, cependant, on n'y est pas toujours, à l'exception de quelques moments vraiment habités, le plus notable étant "Give Us Time", un très beau titre aux airs d'Americana dépressive des années 90, à la Palace Brothers, où les pensées vengeresses d'Hermitofthewoods sont répétées, comme en écho, par la voix de la chanteuse Breagh Potter.