Julio Francisco Ramos, alias Ceschi, est devenu tardivement un acteur central de l'indie rap. Basé dans le Connecticut, mais proche de la scène West Coast Underground, il a collaboré au fil du temps avec des gens aussi divers que Myka 9, Sole, Noah23, Bleubird et K-the-I??? Il a su aussi fédérer beaucoup de ces gens autour Fake Four, le label qu'il gère avec son frère David. Artiste multicarte, aussi à l'aise avec une guitare qu'avec son flow ultrasonique hérité de l'école Project Blowed, il a donné avec une facilité confondante, à travers une multitude de projets (Anonymous Inc., Toca, Dead by Wednesday, Knuck Feast, Deadpan Darling), dans tous les genres musicaux imaginables : jazz rap, crunk, psyché, synth pop, metal ou encore folk.

CESCHI - They Hate Francisco False

Son premier solo, Fake Flowers, a démontré ce côté touche-à-tout : il a été, en effet, un patchwork invraisemblable d’idées, de styles et de fantaisies, un mélange de hip-hop, de pop et de plein d’autres choses, bourré de chants mélodieux comme de raps endiablés, entonnés en espagnol autant qu'en anglais. C'est alors un disque plaisant et imaginatif, mais ce côté foutraque le pénalise. L'album suivant, They Hate Francisco False, corrige cependant ce défaut.

Sur ce disque, Ceschi restreint le spectre. Il limite les thèmes et se concentre sur des propos doux amers inspirés par une histoire d’amour déçue. Et comme pour accompagner ce genre de paroles on n’a jamais trouvé mieux qu’une guitare acoustique et de jolies mélodies chantées, le frère Ramos propose un disque quasi exclusivement pop rock. Les raps sont encore là, parfois, avec ce phrasé toujours aussi rapide. Mais ils ne servent que de complément, quand Ceschi souhaite souligner son amertume par un peu de colère et d'emportement. Même chose pour les instruments, des synthés, un mélodica, des scratches, ainsi que ces cousines de la guitare que sont la mandoline et l'ukulélé, qui épicent les chansons sans contrarier leur coloration pop.

Et quand je parle de coloration pop, je ne force pas le trait. L’histoire de Francis le délaissé que nous conte Ceschi puise au cœur même du genre : chez les Beatles. Plusieurs titres évoquent les Fab Four, et plus que tout le superbe début tout en mandoline triste et en nostalgie de "Frank Propose". They Hate Francisco False est rempli de ces courtes mélodies d’une tristesse exquise, qu’il soit question de noyer ses problèmes dans le sommeil ("Sleep", "Tiny Dream"), de déchéance humaine ("Shame"), d’avenir indécis ("Not Sure" avec la charmante Penny), de la mort ("CT Dead", avec un étonnant numéro de chant susurré par Xololanxinxo), de fin du monde (le posse cut "End of Skies" avec David Ramos, Shoshin et iCON the Mic King), ou du cœur du sujet, cet amour déçu qui inspire l'ensemble de ce disque ("Sweetest Friend"), l'un des plus secrets mais des plus remarquables de l'année rap 2006. Même s'il n'est pas vraiment rap.

Acheter cet album