Il y a deux façons de jouer avec un genre bien défini. Le défier, le malmener, viser la transgression, l’innovation, l'effet de surprise. Ou, à l'inverse, avec respect, tenter d’en atteindre la quintessence, d’en livrer la version définitive, l’idéaltype. Sans conteste, B.G. Knocc Out et Dresta, ont opté pour la seconde démarche, avec ce Real Brothas qui pourrait bien être l’œuvre ultime du g-funk californien.

B.G. KNOCC OUT & DRESTA - Real Brothas

Les deux rappeurs ont le bon profil : ils viennent de Compton, sont apparus dans le sillage d’Eazy-E, s'en sont pris avec lui à Dr. Dre sur le single "Real Muthaphukkin G's", et ils sont affiliés au gang des Crips. Véritable thug, B.G. Knocc Out bousillera d’ailleurs sa carrière en purgeant une longue peine de prison pour tentative de meurtre, excusez du peu.

Eazy-E mort, c’est sur Outburst, une dépendance de Def Jam, et non sur Ruthless Records, que sort en 1995 l'unique album des demi-frères, un Real Brothas où ils rendent hommage au mentor disparu avec le titre "50/50 Luv" (B.G. Knocc Out ira jusqu’à intituler un album Eazy-E's Protege, en 2011) et où ils affichent un respect sans faille pour les Tables de Loi du rap californien établies dans les années 90.

Les paroles, de fait, sont du gangsta rap pur jus. Des titres, comme "Who's The G", "Do or Die" et "Down Goes Another Nigga", rien qu’eux, annoncent la couleur, On parle de rudesses de la rue, de la vie dans le 'hood et, plus particulièrement, de Compton, trois morceaux portant le nom du fameux quartier de Los Angeles. On nous révèle aussi les problèmes relationnels et les questions existentielles qui travaillent les gangsters sur "Jealousy" et sur "Life's a Puzzle".

Les filles sont des trainées ("Compton Hoe"), bien sûr. Les rivaux de Watts et de Long Beach, et particulièrement Tha Dogg Pound, méritent le mépris d’après les fielleux "Compton and Watts" et "DPG/K". Et bien évidemment, on nous invite à faire une virée dans les quartiers ("Take a Ride").

Pour parachever le tout, les sons sont tout en basses rondes et en guitares funky, d’une humeur ensoleillée. Ce sont les beats lymphatiques et les mélodies langoureuses attendues, avec les chants de femmes lascives et de généreux synthétiseurs vibrionnant. Real Brothas ne renouvelle donc le g-funk en rien, en absolument rien. Très bien rappé, impeccablement produit, il se contente (ce qui est déjà énorme) d’en livrer sous une forme achevée, accomplie, presque parfaite.

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