Les belles histoires aiment commencer avec une trinité fondatrice. En ce qui concerne le hip-hop, celle-ci a été incarnée par les DJs pionniers Kool Herc, Grandmaster Flash et Afrika Bambaataa. Des trois, le dernier a été le plus aventureux. Il ne s’est pas contenté d'exploiter la formule née dans le Bronx des années 70, il l’a emmenée plus loin en fondant la Zulu Nation, en osant le mélange des genres avec le parrain du funk (James Brown) et celui du punk (John Lydon) et en modifiant la recette initiale avec cet electro rap dont il était la tête de proue.

AFRIKA BAMBAATAA & THE SOULSONIC FORCE - Planet Rock: The Album

Tommy Boy :: 1986 :: acheter cet album

Le titre emblématique de cette vague electro, c’est "Planet Rock", single retentissant de 1982. Toujours aussi jubilatoire des décennies plus tard, il marquait à l'époque la première mutation importante du hip-hop. Ses bonnes vibrations et ses exclamations ("Go ladies!", "Party People! Can y'all get funky?") destinées à enflammer les dancefloors le rattachaient encore à la old school. Mais d'autres influences venaient s’y mêler, l'afro-futurisme de Sun Ra et de George Clinton, présent dans l’esprit comme dans le look, et des sonorités empruntées à la pop synthétique du Yellow Magic Orchestra et de Kraftwerk, auxquels Bam et le producteur Arthur Baker empruntaient le thème de "Trans-Europe Express".

Aujourd’hui encore, "Planet Rock" reste la pièce maîtresse du disque compilation qui porte son nom, mais il n’est pas l'unique attraction de cette oeuvre cosignée par le collectif Soulsonic Force. Le plaisir se prolonge avec les vocoders et les scratches de l’endiablé "Looking for the Perfect Beat", avec "Frantic", et avec un autre grand single électro, ce "Renegades of Funk" tout en percussion qui, au tout début du rap politique, établissait un lien entre les rappeurs et les activistes à la Malcolm X. A propos de rap engagé, Melle Mel prêtait sa voix à "Who You Funkin' With?", pendant que Trouble Funk représentait la go-go, le cousin washingtonien du hip-hop, sur le plus soutenu "Go Go Pop", des titres qui, avec "They Made a Mistake", concluaient en demi-teinte cet album aussi imparfait qu’indispensable.

Afrika Bambaataa, disions-nous, a été l’un des pères fondateurs du hip-hop. Mais la génétique est une science complexe, et dans les années 90, c’est davantage la techno de Detroit que le rap à dominante grave et gangsta qui prolongera ces expériences electro. Elles ne resurgiront que bien plus tard chez les rappeurs, sautant de génération, se montrant à nouveau quand, transmises via la Miami Bass, des envies de danse, d'excentricité et de synthétiseurs hypnotiques se manifesteront à nouveau dans les formes variées de rap de club apparues au Sud.