Jusqu'ici, les Roots s'étaient distingués du tout venant hip-hop par leur statut de "vrais" musiciens. Le groupe de Philadelphie, en effet, comptait dans ses rangs un bassiste, Hub, un batteur, ?uestlove (reconnaissable à sa splendide coiffure afro), et un clavier, Storch, en plus des rappeurs Black Thought, Malik B et de l'impayable beatboxer Rahzel. Cette option 100% organique leur avait plutôt réussi, les albums Do You Want More?!!!??! et Illadelph Halflife ayant reçu un accueil favorable, jusque dans des cercles rock et jazz. L'album de la consécration, leur plus gros succès commercial, serait cependant leur suivant, le quatrième.

THE ROOTS - Things Fall Apart

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Things Fall Apart sortait pile au bon moment, alors même qu'un mouvement se dessinait, fait de hip-hop "conscient" et de revivalisme soul, en alternative au rap bling-bling et démagogique à la Puff Daddy, alors triomphant. Les principales figures de ce rap adulte, Mos Def, Common, Jay Dee, D'Angelo, Erykah Badu et, comme d'habitude, la poétesse Ursula Rucker, affiliés pour beaucoup au collectif Soulquarians, se retrouvaient d'ailleurs toutes sur ce nouveau disque des Roots.

Comme le suggérait le titre, emprunté à un roman du Nigérian Chinua Achebe, ainsi que ses diverses pochettes, des photos prises lors d'émeutes du temps de la lutte pour les Droits Civiques, Things Fall Apart était un disque engagé. Les Roots étaient en mission. Cependant, c'était davantage sur l'état du hip-hop que sur celui du monde, qu'ils se penchaient ici. Ils invitaient les auditeurs à lâcher le mauvais rap pour le leur sur cet excellent "The Next Movement" produit par Jazzy Jeff (l'ancien complice de Will Smith, lui aussi un natif de Philadelphie), à retrouver le goût de l'innovation sur "Ain't Sayin' Nothin' New", à revenir au fondamentaux de la old school sur ce "Without A Doubt" qui reprenait le beat du "Saturday Night" de Schoolly D, avant d'embrayer sur un jam typiquement The Roots. Ailleurs, ils proclamaient leur amour du hip-hop, avec Common, sur un "Act Two (Love of my Life)" qui se présentait comme la suite de son "I Used To Love H.E.R.".

Les Roots, toutefois, ne se limitaient pas à un rôle de prêcheurs nostalgiques. Ils proposaient de vrais titres mordants, comme le posse cut "Adrenaline!". Suivant leurs propres injonctions, ils osaient aussi quelques originalités comme l'étrange pluie d'orgue de "100% Dundee", le court rap sur violoncelle de "Dierdre Vs. Dice" et la fin drum'n'bass du très love "You Got Me". Cet éclectisme tirait l'album vers le haut. Il annonçait aussi la suite, et les albums futurs du groupe, comme Phrenology, ou Game Theory, des disques plus audacieux encore, sinon meilleurs.