On se demande encore où il trouvait tout ce temps. Depuis ses premiers enregistrements en 1994, le rappeur et producteur mcenroe n'avait pas chômé. En plus de ses propres sorties, de celles de son groupe Park-Like Setting, de la dizaine d'albums produits par ses soins et de ses featurings en tant que MC, le Canadien animait presque seul l'un des labels indé les plus constants qui soient, Peanuts & Corn. Et l'on ne compte pas ici les autres disques dont il gérait le mastering ou la distribution, ni ses activités de publiciste et de graphiste.
Peanuts & Corn :: 2003 :: acheter ce disque
Avec un tel emploi du temps, avec toutes les merveilles déjà produites et sorties par ses soins, on aurait raisonnablement pu penser que Rod Bailey, de son vrai nom, avait épuisé en 2003 l'essentiel de ses ressources. Mais à l'écoute de Disenfranchised, une autre certitude s'imposait : le rappeur, en fait, n'avait pas encore tiré ses meilleures flèches. Au contraire, il les avait toutes soigneusement gardées pour son premier album solo, après plusieurs EPs ou projets annexes.
Disenfranchised, en effet, était un achèvement, l'aboutissement du style déployé par mcenroe sur les sorties précédentes de son label : un rap d'inspiration new-yorkaise, qui aurait retrouvé sa fraicheur d'antan en passant la frontière canadienne ; un hip-hop de facture classique, mais plus humble et personnel qu'à l'accoutumée, où l'auteur livrait des observations justes et nuancées sur le train des choses, faisant part de son expérience et de sa sagesse d’homme normal.
N'importe quel morceau suffisait à démontrer l'excellence de l'album. Ce magnifique "Sleepwalking" par exemple, où, sur fond de basse et de tintements, l'artiste évoquait en chantonnant les affres d’une vie banale et anonyme. Cet accrocheur "Let's Pawn the Bracelet", introduit et clos par un brin de deejaying. Ce "Working in the Factory" où le rappeur questionnait le mythe du "c'était mieux avant". Ou encore ce "Wandering Eye" à l'occasion duquel il nous décrivait son parcours musical, celui, ordinaire, sans surprise mais touchant, d'un petit Blanc ayant emprunté les passerelles entre pop grand public, rock alternatif et rap.
L'énumération et le commentaire des titres pourraient se poursuivre jusqu’au bout, car le disque s'y prêtait. Il était l'un de ces albums, rarissimes et inespérés dans le rap, capables de rester solide du début à la fin, un sommet pour ce label canadien discret mais efficace que mcenroe aura mené de main de maître.
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