Sur son premier album, Lord Finesse donnait presque exclusivement dans l'égo-trip et la rodomontade, répétant sur tous les modes à quel point il était à l'aise au micro, le tout sur des boucles funk trépidantes à souhait, qui pour un bon tiers samplaient du James Brown. Dit comme ça, Funky Technician n'avait donc rien d'un disque original en 1990. Mais ici, la formule tournait à plein régime, car en plus de ce DJ Mike Smooth avec qui il partageait l'affiche, le jeune rappeur du Bronx avait eu la bonne idée de s'entourer d'une dream team de beatmakers prometteurs : DJ Premier produisait une moitié de ce qui pourrait bien avoir été son premier classique, tandis que Diamond D et Showbiz se partageaient le reste, signant ainsi le premier coup d'éclat du collectif Diggin' in the Crates, alias D.I.T.C.

LORD FINESSE & DJ MIKE SMOOTH - Funky Technician

Wild Pitch :: 1990 :: acheter cet album

Avec eux, ce rap-là n'atteignait pas encore les sommets de sophistication de la décennie à venir, mais il était délicieusement funky. Jamais, par exemple, même quand Ice-T l'avait utilisé tel quel sur "You Played Yourself", cet extrait de "The Boss" n'avait sonné aussi extatique que sur l'excellent "Bad Mutha", le sommet de l'album avec "Funky Technician" et "Track the Movement". Et Lord Finesse n'y était pas pour rien. Le rappeur avait beau ne rien faire d'autre que de vanter ses prouesses (exceptés un "Strictly for the Ladies" dédié au beau sexe et un faiblard "Lesson to be Taught" anti-drogue), on ne s'en lassait pas. Ses paroles et son flow ont même sensiblement mieux vieilli que la musique. D'un phrasé coulant, facile, il prouvait que ses fanfaronnades n'avaient rien d'exagéré, qu'il était vraiment au-dessus des autres, multipliant les punchlines, faisant preuve d'humour quand il osait de savoureux parallèles entre ses talents au micro et sa supériorité au lit.

Pourtant, Lord Finesse ne persévéra pas dans cette voie. Comme avec d'autres artistes maison (Main Source, Ultramagnetic MCs, The Coup...), Wild Pitch ne capitalisera pas sur son talent, et ses sorties sur d'autres labels seront moins délectables. Ce n'est dont plus en rappeur, mais en beatmaker, que Finesse se fera un nom, en oeuvrant avec The Notorious B.I.G., et en produisant une bonne partie du classique de Big L, Lifestylez ov da Poor & Dangerous. Pour se souvenir que le bonhomme a d'abord été un grand rappeur, il n'y aura donc plus que le tube "The Rockafeller Skank" de Fatboy Slim (ce fameux "right about now, the funk soul brother", c'était Finesse qui l'entonnait), ainsi que les albums d'autres rappeurs qui citeront à l'envi des extraits de cet impeccable Funky Technician.