Dans un premier temps, celui qui a le mieux tiré son épingle du jeu de l'aventure N.W.A. a été Ice Cube. S'étant fâché avec le reste du groupe, il se lança très tôt dans une carrière solo pour devenir, avec ses deux premiers albums, la nouvelle menace numéro 1 en Amérique. Après avoir été "The Nigga Ya Love to Hate" sur Amerikkka's Most Wanted, il était "The Wrong Nigga to Fuck Wit" sur Death Certificate. Sur ce deuxième disque, sa cible était la même que sur le premier, ce bon vieil Oncle Sam, dont il exposait le cadavre sur la pochette. Et il donnait aux auditeurs exactement ce qu'ils attendaient en matière d'outrances gangsta rap : de la hargne anti-policière, des histoires de deal de drogue, du sexisme, de l'homophobie, et même, histoire d'aller au bout du scandale, du racisme à l'encontre des épiciers coréens, et du Juif Jerry Heller, le manager de N.W.A., dans une furieuse charge contre son ancien groupe élégamment intitulée "No Vaseline".

ICE CUBE - Death Certificate

Priority Records :: 1991 :: acheter cet album

Cependant, au-delà de la polémique, les provocations d'Ice Cube n'étaient pas toujours aussi gratuites qu'elles paraissaient. A une première partie intitulée "Death Side", qui se voulait une description crue de la réalité des quartiers, succédait une "Life Side" plus constructive. Sur "Alive on Arrival" et "Color Blind", les gangs n'étaient pas présentés sous leur jour le plus glamour. "True to the Game" regrettait l'absence de solidarité dans la communauté afro-américaine. Tandis que "Look Who's Burnin" l'alertait contre le péril des MST avec, certes, une dose carabinée de misogynie. Et "A Bird in the Hand" était l'imploration d'un jeune en quête d'un travail, sans lequel il replongerait dans les vices et la délinquance.

Plutôt que de pousser le style gangsta rap californien au bout de sa logique nihiliste, Ice Cube préférait revenir sur les pas des New-Yorkais de Public Enemy. Non content d'avoir emprunté leur son sur l'album précédent en engageant le Bomb Squad, il donnait lui aussi dans le rap à message. Fort de son talent d'orateur, il se positionnait comme le nouveau porte-voix des Noirs Américains.

Death Certificate serait le meilleur album d'Ice Cube, mais c'était déjà un disque du passé. Bientôt, le gangsta rap se changerait en g-funk, et la colère cèderait la place au cynisme, l'indignation du défavorisé à l'insolence du nouveau riche, la hargne, la fureur et la sobriété des beats à une musique lente, cool et sophistiquée. Et c'est un autre N.W.A., Dr. Dre, qui montrerait la voie, pendant qu'Ice Cube trouverait d'autres sources de satisfaction dans la carrière cinématographique lancée avant même Death Certificate, avec Boyz-n-the Hood.