Sorti chez les Anglais de Lewis Recordings en 2002 (les seuls, sans doute, à avoir osé prendre des risques avec un tel OVNI), Primitive Plus était la version enrichie d'un EP, Primitive, qui avait été une sensation underground autour de l'année 1999. Edan, son unique auteur, appartenait à une espèce alors en plein essor sur la scène rap indépendante : celle des hommes à tout faire. Ici, l'ancien étudiant au Berklee College of Music de Boston prenait tout en charge : rap, production, scratches, conception de certaines pochettes... Et comme souvent en pareil cas, le résultat ressemblait à une longue démo enregistrée au fond de la cuisine.

EDAN - Primitive Plus LP

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Ces accents lo-fi, toutefois, ne juraient pas, le projet d'Edan Portnoy étant de réinvestir le son old school, de le remettre au goût du jour, comme le montraient ses clins d'œil aux idoles du passé, Kool G Rap, KRS-One, Rakim, Slick Rick et le Kool Keith de la période Ultramagnetic MC's, qu'il imitait d'ailleurs à la perfection sur son "Ultra 88 Tribute". Notre homme l'avait démontré l'année d'avant avec sa mixtape Fast Rap : il était un érudit, un connaisseur, un grand archiviste du hip-hop, qui adulait plus que quiconque les rappeurs de la fin des années 80.

Pour autant, pas de nostalgie creuse façon Jurassic 5 sur ce premier album officiel. L'hommage était plein de distance, d'humour et de dérision quand, par exemple, Edan se jouait du cliché du rappeur crackomane ("Emcees Smoke Crack"). Des années 90, il avait retenu quelques sons électroniques, et il se montrait plus drôle et percutant que les gentils revivalistes californiens quand il critiquait les Internet MCs ("Key Bored"), quand il se lâchait sur une instru jouissive et déglinguée ("Rapperfection"), qu'il laissait les instruments s'exprimer seuls ("A.E.O.C."), qu'il réinventait l'égo-trip ("Mic Manipulator") ou qu'il proclamait son mépris pour le rap actuel en samplant le chant d'un gosse japonais ("Instead of R&B bitches, I do my hooks with Japanese kids"), sur l'époustouflant single "Sing it Shitface".

Avec Edan, c'est comme si le hip-hop avait pris une autre voie en sortant de la décennie 80, qu'il ne s'était jamais préoccupé de roucoulements R&B et de gangsters en toc. Notre rappeur blanc repartait à zéro, et il excellait à faire du neuf avec du vieux. Il le prouverait encore plus tard avec un autre bijou rétro-futuriste, un Beauty & the Beat où il s'emploierait à explorer la pop psychédélique des années 60, et à l'actualiser pour la génération hip-hop des années 2000.

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