Ainsi en était-il du très créatif commencement de la décennie 90. Le hip-hop y progressait à une vitesse fulgurante, et il fallait désormais, pour chaque rappeur, se démarquer par un style, par une patte particulière, il fallait s'accompagner d'un manifeste. Et s'il est un groupe qui a su se singulariser ainsi, Das EFX est celui-là. Découverts par EPMD à l'occasion d'un concours de rappeurs, puis affiliés à leur collectif, le Def Squad, Krazy Drazyz et Skoob étaient pourtant restés à l'écart des grandes évolutions du rap. Originaires de Brooklyn, c'est en Virginie, à l'université, qu'ils avaient fait leurs armes, et mis au point leur formule à contre-courant.

DAS EFX - Dead Serious

East West Records :: 1992 :: acheter cet album

Il demeurait quelque chose des années 80 chez eux, avec cette pochette colorée, avec aussi ces beats bondissants, mélodiques et funky assurés par Chris Charity et Derek Lynch, de vieux amis de Skoob, et augmentés à l'occasion par la guitare de Bobby Sichran, pionnier, avec Beck et avant Everlast, de la fusion entre le hip-hop et les musiques traditionnelles américaines. Quant au rap des lascars, ludique, nourri d'un sens de l'absurde et de références à la pop culture (publicités, musique, programmes télé…), il restait lui aussi dans le bon esprit du hip-hop de la décennie précédente. La dernière plage s'intitulerait "Straight Out the Sewer", préfigurant le nom du prochain album, mais en 1992, avec Dead Serious, nous étions loin du très glauque street rap new-yorkais, alors en pleine gestation.

En ce début des années 90, le duo proposait toutefois des innovations décisives, au premier rang desquelles ce débit très rapide et ces jeux de langage, à l'œuvre sur l'essentiel des titres. Ils consistaient à ponctuer chaque mot important des suffixes "iggedy" ou "iggity". C'était, au choix, malin, chantant, virtuose, maîtrisé, ou totalement insupportable. Mais c'était aussi absolument unique, et très influent (dites-en deux mots aux deux d'OutKast, à titre d'exemple). A cette époque où réussites artistique et commerciale allaient encore de pair dans le rap, Das EFX connut son heure de gloire, et Dead Serious devint disque de platine, porté par l'excellent single "They Want EFX" et sa nouvelle lecture du "Funky President" de James Brown, mais aussi par les truculents "Mic Checka", "Jussumen" et "Klap ya Handz". Quelques années plus tard, malgré un deuxième album également réussi, le duo n'était pourtant déjà plus qu'un vieux souvenir pour aficionados. Car on l'a dit, ainsi en était-il du rap en ces années là : il allait vite, vraiment très vite.