Subterraneous Records :: 2000 :: acheter ce disque
Avec ce duo en provenance de Pontiac, dans le Michigan, nous étions en effet très loin du rap délirant, bourré d'électronique et d'effets bizarres dont était capable la frange la plus extrémiste de la scène indé. Comme autrefois, dominaient des couleurs jazz et les rappeurs ici présents adoptaient la posture rabâchée du sage de la rue. Mais One Man Army (alias One Be Lo), Senim Silla et leurs collaborateurs excellaient dans le choix et l'usage ingénieux des samples ; leurs paroles, pleines de verve, sentaient la conviction ; et l'album, qui se risquait à exploiter la longueur maximale d'un CD, commençait comme il se terminait : fort.
Dès le début, un "Reality Check" minimal à souhait impressionnait, de même que son contrepoint, ce "Conquistador" enlevé, tout en cordes haletantes et en basse bondissante, ou que l'inédit "Solar Powered" avec les scratches de DJ Phrikshun. Et si le duo faiblissait au milieu de l'album, son ventre mou, il retrouvait de la vigueur avec ce manifeste en faveur d’un rap indépendant qu'était cet "Indy 5000" bâti sur quelques touches de piano, avec cet "Evolution of Man" downtempo dédié au beau sexe, avec le piano jazz déchirant de cet "I Know why the Cage Birds Sing" consacré à la vie carcérale, et encore avec cette réflexion sur l'état du hip-hop qu'était "Honest Expression", qui samplait quelques classiques du genre.
Le groupe, enfin, se payait le luxe de clore le disque sur un posse cut palpitant quand, après une saynète sordide où un homme à l'accent slave enseignait à son interlocuteur les subtilités de la roulette russe, "KGB" s'étirait sur près de sept minutes, sur un sample pas commun tiré des Chœurs de l'Armée Rouge.
Malgré ce tour de force, et quelques autres sorties recommandables, notamment du côté de la carrière solo de One Be Lo, le duo, qui se séparera bien vite, aura une postérité limitée. Plutôt que d'ouvrir de nouvelles voies, Masters of the Universe était un chant du cygne, le cri d'un certain hip-hop qui refusait de mourir, d'un rap nostalgique qui ne se reconnaissait plus dans son époque. Et à ce titre, il continue de bénéficier d'une cote non négligeable chez certains puristes.
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