Creation Records :: 1996 :: acheter ce disque
Ou bien, il faut regarder après, du côté des groupes tardifs et de cette vague de groupes gallois pastoraux et originaux, emmenés vers 96 par les Gorky's Zygotic Mynci et les Super Furry Animals. Ces derniers, même s'ils étaient populaires, et prisés par la presse musicale anglaise à grand tirage, même s'ils rejoignaient Oasis chez Creation et qu'ils finiraient par collaborer avec Paul McCartney, suivaient une autre voie que la grosse cavalerie britpop. Il n'était plus question de textes à contenu social, comme avec Blur ou Pulp, mais de paroles surréalistes. Ce n'était plus l'axe Kinks, Jam et Madness qui était suivi, mais celui du rock psychédélique et décadent, voire progressif, voire glam, du début des années 70.
Le groupe, d'ailleurs, avait un parcours peu ordinaire. A l'origine, nos animaux super poilus s'étaient lancés dans un projet techno. Puis, quand ils s'étaient mis aux chansons, ils les avaient d'abord déclamées dans leur gallois natal, comme l'indiquait le doux intitulé de leur tout premier EP, Lianfairpwllgywgyllgoger Chwymdrobwlltysiliogoygoyocynygofod (In Space). Ce n'était que plus tard que Gruff Rhys s'était mis à l'anglais, le groupe estimant, à raison, qu'il était temps pour lui de viser le succès et de réclamer sa part du gâteau britpop.
Cependant, cette britpop qu'eux-mêmes jugeaient triste et conservatrice, les Super Furry Animals la cuisineraient à leur sauce. Ils en garderaient les ingrédients principaux, ses mélodies imparables, ses refrains accrocheurs et ses guitares proéminentes, mais ils y mêleraient quelques essais expérimentaux, et feraient mariner le tout dans une ambiance hallucinée. La drogue, en effet, était particulièrement présente sur Fuzzy Logic, leur premier album, et l'un de leurs meilleurs, via ces photos de Howard Marks en pochette, trafiquant gallois notoire, via le titre un brin noisy qui lui était dédié, "Hangin' With Howard Marks", et par ce single, "Something 4 the Week-End", où il était fait allusion aux psychotropes.
Sans faire aussi clairement référence aux drogues, les autres chansons se montraient tout aussi déglinguées. Le groupe qui, en cette année 1996, écumerait les festivals à bord d'un char d'assaut peint en bleu, mettait en scène le dialogue entre un hamster et son maître ("Fuzzy Birds"), ou confessait sa passion pour les frisbees ("Frisbee"). Et la plupart des autres morceaux dévoilaient des paroles cryptiques ("Mario Man") ou des métaphores floues. La musique, elle, se montrait aussi chargée et fantaisiste. Dès le départ en fanfare d'un "God! Show Me Magic" tout en cris, guitares fuzz et piano boogie, ils donnaient le ton d'un album qui multiplierait les instruments, les voix trafiquées et les effets de studio.
Mais c'est surtout avec leurs titres les plus gracieux que les Gallois gagnaient la mise, sur cet "Hometown Unicorn" qui exploitait le vieux thème du désir nostalgique du retour chez soi, sur cette chanson d'amour délicieusement emphatique qu'était "Gathering Moss", et avec les violons de "If You Don't Want Me To Destroy You" et "Long Gone". Aujourd'hui, tout cela n'est plus de saison, ce n'est plus dans l'air du temps, loin s'en faut. Pourtant, et en dépit de morceaux parfois un peu trop gras, Fuzzy Logic prouve qu'il y avait tout de même quelques petites pépites à tirer de ce genre populiste qu'aura semblé être la britpop.