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MCENROE - Billy's Vision

Albums rap

MCENROE - Billy's Vision

Il existe deux façons de faire du rap instrumental. La première consiste à compiler les beats que l'on offrirait à un rappeur, les mêmes, mais sans lui, sans sa voix, sans ses paroles, sans son phrasé pour les habiller, une formule qui, bien souvent, s'avère aussi fade qu'un pain sans sel. L'autre voie, celle de l'abstract hip-hop, consiste à aller au-delà de la boucle, à peaufiner des compositions complexes, à donner dans le sampladélisme, afin que chaque morceau ait autant de force qu'une véritable chanson, pour pallier à l'absence d'un interprète charismatique.

MCENROE - Billy's Vision

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Sur Billy's Vision, mcenroe avait choisi la première. Ce disque n'était pas une oeuvre en soi, mais la bande son d'une exposition organisée en 1999 à la Mendel Art Gallery de Saskatoon, par un certain Andrew Hunter. A l'origine, comme expliqué en détail dans le livret épais qui accompagne le CD, chaque titre devait accompagner l'une des oeuvres de l'artiste. Aussi n'ont-ils pas été conçus pour prendre le premier rôle. Chacune de ces plages sans titre devait rester à l'arrière-plan, ne voler la vedette à personne, qu'il s'agisse d'Hunter ou, plus tard, de John Smith qui, sur l'excellent Blunderbus, rappera sur l'un des beats présents ici.

Les beats dépouillés de Billy's Vision, agrémentés parfois de quelques voix extraites d'un film, d'une radio ou d'une scène de la vie quotidienne, visent à créer un fond sonore, et non à s'imposer comme des oeuvres en soi. De toutes façons, même sur ses disques réguliers, mcenroe n'a jamais partagé avec ses collègues rappeurs le goût pour la démonstration et la mise en scène, comme le prouve son pseudonyme de monsieur tout-le-monde, comme le montre aussi cette pochette neutre qui évoque un artiste country à la Hank Wiliams plutôt que du boom bap.

Et de fait, à mesure qu'il se déroule, on a tendance à oublier la musique de cet album, à l'écouter sans s'en rendre compte. Pourtant, ce ne sont pas des boucles crassement répétitives que mcenroe nous offrait, ou plutôt, qu'il offrait à Hunter. C'est de l'easy listening, certes, mais de l'easy listening de luxe. En se concentrant, en les écoutant plus attentivement, on repère ces variations subtiles, cette attention aux détails (ici une rupture, là des percussions complexes, plus loin une guitare douce et funky) qui ont toujours distingué mcenroe, sur ses disques propres ou sur ceux qu'il a produits. On y retrouve ces traits qui démontrent que le Canadien, loin d'être un simple beatmaker, est tout d'abord un musicien.

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