Yeah ! Enfin, ça y est, on le tient, le premier bon album de Busdriver, celui à même de conquérir un public plus large. Jusqu’ici, c’était l’espoir sans cesse déçu, la promesse indéfiniment repoussée, l’Arlésienne. En cinq ans, Busdriver était passé des sorties CD-R pourraves (Memoirs of the Elephant Man, This Machine Kills Fascists) aux tentatives crossover ratées (Fear of a Black Tangent et Cosmic Cleavage). A chaque fois, son charisme et son talent au micro crevaient les yeux, son potentiel de star ne demandait qu’à exploser, mais rien ne se concrétisait vraiment. Pas assez de retenue, de canalisation, de finition. Certes, entre ces deux séries, il y avait eu Temporary Forever, le plus homogène et le plus abouti de ses disques, le préféré de ses fans, et à l’occasion, celui qui en a fait un artiste plus vendeur en France qu’aux Etats-Unis. Mais la portée de cet album n’allait pas bien au-delà des adeptes de hip hop, voire, plus limité encore, des amateurs de rap West Coast Underground. Encore trop long, trop bavard, trop virtuose pour rien.

BUSDRIVER - RoadKillOvercoat

Epitaph :: 2007 :: acheter cet album

Mais maintenant, il y a RoadKillOvercoat, première sortie chez Epitaph, un label qui réussit plutôt bien aux rappeurs. Oh, ce disque-là n’est pas irréprochable non plus. Il y a quelques titres en trop, quelques mochetés, le single par exemple, cet infâme "Kill Your Employer" qui a fait craindre le pire, ou "The Troglodyte Wins". Mais sur la longueur, c’est l’album espéré, celui, bourré d’électronique et de pop appeal, qui devrait permettre à Busdriver de quitter sans se renier le ghetto du rap underground. Le Project Blowedien n’abandonne pas son flow de dingue, loin de là. Mais il fait preuve de retenue si nécessaire, il sait mieux caresser dans le sens du poil. RoadKillOvercoat est inégal mais court et accrocheur, et en cela il peut être comparé au Soundtrack to a Book sorti l’an passé par son compère Radioinactive.

Parfois, l’exercice ne sonne pas très naturel pour Busdriver. Il se force, il se bride, il se retient pour que ça ne dégouline pas une fois de plus dans tous les sens, pour que ça puisse vraiment toucher ce public qu’il cherche vraisemblablement à conquérir. C’est patent sur le pourtant très réussi "Dream Catcher's Mitt" final où il s’essaierait presque au chant. Mais au final, l’animal parvient à se caler sur les délicates compositions variées et psychédéliques de Boom Bip et de Nobody. Les nappes de "Secret Skin" et la guitare du titre conclusif déjà cité sont excellents. Et Busdriver propose même un vrai tube, un "Sun Showers" qui commence sur une note synthétique pour se poursuivre sur un format très rock. Ce titre a déjà réchauffé ses fans tout l’hiver et il s’en faudrait de peu qu’il en séduise bien d’autres s’il parvenait jusqu’à leurs oreilles. Aidons-le donc à parcourir ce chemin et claironnons-le bien fort : amis amateurs de pop et de musique électronique, fans de rap qui n’aiment pas le rap, voici un disque de Busdriver taillé pour vous.