Factor est un producteur inlassable, doublé d’un impressionnant activiste. Il collabore avec la Terre entière, il connaît du beau monde et il a tissé l’un des plus beaux réseaux qui soit dans le vaste monde du hip-hop underground. Mais curieusement, ce n’est pas sur ses projets avec Existereo, Barfly ou Kirby Dominant qu’on trouve ses meilleurs beats. C’est avec ses amis proches et moins connus de Saskatoon. Nolto, par exemple, avec lequel il a sorti l’an dernier Red All Over, le meilleur album Side Road Records à ce jour. Et maintenant Metropolis Now.

METROPOLIS NOW - Metropolis Now

Metropolis Now, c’est l’alliance de Kay the Aquanaut, Def 3 et Forgetul Jones, trois artistes maison dont Factor, évidemment, a produit l’album commun. Jusqu’ici, tous ces gens ne s’étaient pas fait remarquer, ils étaient éclipsés par les noms plus prestigieux avec lesquels leur beatmaker et patron de label s’est affiché. Mais ensemble, ça le fait. Après un début d’une grande banalité, le disque monte en puissance et révèle une série de titres délectables. Cela commence avec "Mr Sandman", un appel à se perdre dans le sommeil bien servi par un beat lent et par un accordéon triste qui, pour peu, empièterait presque sur les plates-bandes de ses voisins de Clothes Horse Records. Et cela se confirme avec une poignée de titres enjoués qui tirent le meilleur profit du rap à plusieurs voix : "306/360 Degrees" et sa guitare, "Desperado’s", et puis cet "Another Tomorrow" qui concluait déjà la chouette compilation japonaise Hue and Laugh and Cry, un morceau toujours aussi réussi avec son violoncelle et ses handclaps.

Quelquefois, cependant, Factor retombe dans ses vieux travers. Il se contente facilement d’une boucle paresseuse qu’il laisse tourner à l’abandon ("Metropolis Now") ou d’un sample trop vaporeux pour être honnête ("All Grown Up"). Et si les rappeurs qui interviennent ici sont des vrais, des gens capables de relever un beat creux grâce à leur flow ("Wrong Place, Wrongtime"), cela ne suffit pas toujours. Le beatmaker et son label continuent d’avoir le cul entre deux chaises, de naviguer entre la musique émancipée pratiquée par certaines personnes de son entourage et des passages d'un grand clacissisme, avec égo-trip, posse cut, diss track et tout le toutim, ainsi qu’un sample de Gang Starr cramé et incongru sur un "Too Dope" par ailleurs plutôt réussi. Factor et ses amis pratiquent un rap à la croisée des chemins et l’album de Metropolis Now, moitié ennuyeux, moitié réjouissant, paie le prix de ce côté un peu bâtard.