Découvrir une scène musicale et réaliser qu’elle contient des pépites, ça incite à prospecter plus loin, à s’enfoncer plus avant dans la mine. Il en est ainsi avec les rappeurs de Saskatoon depuis que les labels Sideroad et Clothes Horse ont prouvé qu’il se passait des choses au beau milieu des prairies canadiennes. Tout cela engage à s’intéresser aux franges du rap de cette ville et à des gens comme NoBS Allowed, dont le dernier album a été produit par Factor, ou encore à Leo Shia, alias LEO37 (mais quelle est donc cette manie qu'ont les rappeurs canadiens de compléter leurs noms par un chiffre ?). D’origine chinoise, et établi la moitié du temps à Toronto, ce garçon propose encore une autre facette du rap du Saskatchewan. Ce n’est ni le classic rap ou le rap à guitare de Factor, ni les compositions dépouillées et cette gravité délicatement mâtinée d’humour qui est le fort de Soso et d’Epic. Le truc de Leo, c’est le jazz, genre auquel il a été formé tout petit, via des cours d’orgue, de trompette et de batterie.

LEO37 - Summer

Pour ses premières sorties, cet activiste qui s’emploie à rapprocher artistes rap et jazz au Canada a voulu la jouer comme Subtle (ou comme Vivaldi, à vous de voir) en donnant des noms de saisons à ses albums. Après Winter, sorti sur son propre label en 2005, LEO37 propose maintenant Summer. Pour cela, il s’est accompagné d’une joyeuse équipe de jazzmen de son entourage (Christine Bougie et Nick Zubeck à la guitare, Dafydd Hughes au clavier, Chris Banks à la basse), d’un peu de renfort au emceeing (Al Buddy Black, Abyss, Liquid Serebral, Al Buddy Black), et il a sollicité la famille (Tim Shia à la batterie et Howie Shia au design).

Et tout cela, marié au rap suave de l’ami Leo, donne un live hip-hop funky et agréable avec refrains repris en chœur, solo d’harmonica, d’orgue ou de guitare et tout et tout. Il y a même un petit tube ("Giant Steps"), un gentil reggae ("Goodbye", avec la jolie voix de Rhonda Stakich), un final vaporeux et halluciné ("Crescent Moon") et un poil de turntablism ("Work It Out"). Et parfois, le rap s’éclipse complètement pour laisser place à de longs passages instrumentaux de jazz cool ("Sometimes Things Go Wrong"). A l’exception de quelques faux pas comme "Re:", tout cela fait de Summer un petit disque ensoleillé et sans prétention, aussi inconséquent et agréable qu’un amour d’été à l’adolescence, susceptible de ravir, même à petite échelle, tous ceux qui considèrent (à tort, mais on s’en fiche) que le rap manque cruellement de "musicalité".

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