Chewing on Glass devait être une grande affaire. Pour l'occasion, avaient été enrôlés des gens de Godspeed You Black Emperor, de The Hang Up, et carrément Damo Suzuki. Un Sixtoo triomphant aurait dû profiter de cet album pour imposer sa marque, pour sortir sa grande oeuvre. Mais c'est davantage Ninja Tune qui a déteint sur l'artiste que l'inverse.

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C'est une constante, c'est un fait établi, chaque sortie de Sixtoo vaut le détour. Chewing on Glass & Other Miracle Cures ne déroge pas à la règle. Ce premier album très attendu du Canadien pour Ninja Tune compte en effet les passages captivants attendus : le très gracieux "Boxcutter Emporium Pt. 3", "The Honesty of Constant Human Error" ou la guitare de "Horse Drawn Carnage". Mais la plupart des autres plages, malheureusement, manquent de saveur, de piquant, d'épaisseur. Même le titre phare de l'album, celui avec Damo Suzuki (carrément), se montre terriblement prévisible avec sa percussion galopante, ses faux airs de "Halleluwah", l'irruption soudaine d'un second mouvement façon Ennio Morricone et les cris du chanteur japonais en guise d'apothéose.

C'est qu'avec le temps, depuis surtout qu'il est persuadé d'être un piètre MC (cette fois, seuls deux titres sont rappés, et encore), Sixtoo devient banal. Ca n'est d'ailleurs sans doute pas un hasard si cet album sort directement sur Ninja Tune plutôt que sur Big Dada, son rejeton hip hop : il ressemble à s'y méprendre aux sorties habituelles du label anglais. Il n'y a qu'à écouter les jazzy "Sidewinders" et "Karmic Retribution", par exemple, pour se croire transportés sur un album du Cinematic Orchestra. Ce manque croissant de personnalité ne posait pas de problème sur les précédents instrumentaux du Canadien, un Duration solide et un Maid of Gold au charme lent. Bien au contraire. Mais maintenant que les titres peu inspirés prennent le pas sur les autres, cela devient problématique. A force de s'éloigner du rap, celui qui fut une figure de proue du hip hop canadien ne sera peut-être bientôt plus qu'un simple artiste électronique plaisant parmi mille autres. On espère le contraire.