Révélé il y a quelques années sur la mixtape L'Antre de la Folie, Le Klub des Loosers (notez bien les deux "oo") est l'une des choses hip hop les plus atypiques apparues en France. Prenant le contre-pied des rodomontades rap, le Klub s'est fait une spécialité de la misanthropie et de l'auto-apitoiement et cultive un thème sans fin : la petitesse et la misère humaines. Au moment où sortait un premier single officiel, "Baise les Gens", l'occasion était belle de rencontrer un groupe tout récemment réduit au seul rappeur Fuzati.

Tu es tout seul, pourtant le Klub des Loosers avant c’était deux personnes.

Oui. J’étais sûr que tu allais me poser cette question, tu es trop prévisible (sourires). Je dirais que faire un album c’est un peu comme faire un enfant. Il faut le faire avec une personne responsable, quelqu’un dont tu peux être sûr. Désormais, je ne travaillerai qu'avec des gens sérieux et responsables.

Au moins c’est clair. Tu vas travailler avec qui du coup ?

J’ai signé tout seul chez Record Makers pour trois albums. James Delleck est réalisateur sur mon prochain album. Il réalise, ça ne veut pas dire qu’il produit les sons. Moi j’amène des choses, et il me conseille, parce que je n’ai pas d’expérience des machines. Et il y aura des scratches sur cet album. Je ne peux pas encore dire par qui.

On peut avoir une petit idée ?

Non, je ne dirai rien. Mais je tiens vraiment à avoir des morceaux avec des scratches. Orgasmic de son côté continue sa carrière avec TTC.

Autre question prévisible, à propos de Record Makers...

J’ai rencontré quelques personnes, et ce sont les seuls à m’avoir dit "ne change rien, on prend tes textes, on prend ton image". Il n’y avait pas à leur expliquer tout ça. C’était important. Et deuxièmement, c’était un peu marrant d’être sur un label versaillais. Je ne les connaissais pas plus que ça. Je n’avais pas de connexion avec Air. Mais au moins ils n’ont pas dit "Ah non tes textes ! Tu peux pas adoucir un peu tes textes ?". Ils m’ont dit : "OK, ne change rien, on est à fond". Il ont bien travaillé le maxi et ça c’est plutôt bien.

C’est un heureux hasard ?

C’est un hasard.

Ils savaient que tu étais versaillais à l’origine ?

Oui, un petit peu parce qu’on a eu plusieurs rendez-vous. J’ai trouvé ça marrant parce que je me suis dit : maintenant les journalistes vont jacter, "ouais, le gars est protégé par Air". C’est trop pas ça en fait, mais c’est un petit peu rigolo.

Et par rapport à ce qui est déjà sorti sur le label ?

J’aime beaucoup Sébastien Tellier. Mais la compile était pourrie. Ca je leur ai dit. DSL je n’aime pas du tout. Mais je m’en fous de ce qui est sorti et de l’image du label. C’est la manière dont moi je vais être travaillé qui compte, les gens que tu as en face de toi. C’est plutôt agréable d’avoir des gens qui te comprennent. Tu ne peux pas non plus complètement adhérer à un label "ha, je vous signe pas parce que vous avez sorti ça". Et puis un label hip hop ne m’intéressait pas.

Pourquoi ?

Parce que je n’ai rien à voir avec l’image hip hop.

Tu fais du rap quand même.

Je fais du rap, oui... Mais c’est pour ça que je me sens proche de Hip Hop Section. "Le rap des gens qui n’aiment pas le rap". Tu vois, c’est exactement ça. Peut-être que je me trompe, mais pour moi, le hip hop, c’est raconter sa vie sur des instrumentaux et c’est ce que je fais. Après, pour d’autres personnes, le hip hop c’est raconter des histoires de ghetto sur des instrumentaux. Ca dépend. Soit je suis hip hop, soit je ne suis pas hip hop. Mais finalement ça n’est pas important. Ca fait quand même des années que j’écoute du rap, on voit ma gueule à Châtelet tous les mardis le jour de l’arrivage des disques depuis 5 ans, j’ai un peu taggué, j’ai présenté Grekfrite, j’ai fait plein de mixtapes. Je n’ai pas de leçon à recevoir sur des histoires de crédibilité hip hop. Je me considère comme hip hop. Mais en France malheureusement, le hip hop c’est la rue, les ghettos, tous ces trucs. Moi je n’ai rien à voir avec ça. Du tout. Je ne me vois pas sur un label de hip hop entre deux gars en baggy en train de dire "ouais, tu vois c’que j’veux dire" (avec l'accent caillera). Voilà.

Le premier maxi est enfin sorti. Tu es passé à la vitesse supérieure. Comment ça se passe jusqu’ici ?

Il y a de bons retours.

On t’a vu à la télé la semaine dernière.

Malheureusement. Je peux expliquer ça un petit peu ? C’est ce qu’on appelle une grosse encule. Un journaliste qui te dit qu’il est fan de toi, que c’est toi et TTC qu’il aime dans le rap, qui t’interviewe pendant une demi-heure. Toute l’interview je l’ai faite au second degré, j’ai fait un personnage et il l’avait compris. Mais il a gardé deux phrases pour me faire passer pour "le p’tit bourgeois qui fait du rap, ah ah ah, c’est vraiment génial !". Tu vois. Et bien voilà. Qu’il fasse son travail d’enculé de journaliste. J’attends de le recroiser. J’attends vraiment de le recroiser.

Et à part l’émission, la presse ?

Bonne. Bonne chronique dans Trax le magazine. Bonne chronique même sur les sites hip hop français qui n’aiment pas. Ils ont été obligés de dire que c’était pas mal. Et bonne chronique sur Hip Hop Section, ce qui m’a fait plaisir.

Et la presse musicale généraliste ?

Je ne sais pas. Mais moi, vraiment, ce qui m’intéresse, c’est de faire de la musique. Une fois que le morceau est sorti et que j’en suis satisfait, c’est l’essentiel de mon travail.

Ca conditionne quand même pas mal de choses derrières.

Oui, ça conditionne plein de choses derrière. Mais la musique, je ne veux pas en vivre. Je fais plein de choses à côté. Ce n’est pas ce qui occupe tout mon temps. C’est juste qu’il faut que je sois content d’un morceau. Tu vois, ‘Baise les Gens’, tout le monde l’adore. La plupart des gens l’ont aimé. C’est un morceau cool, mais moi, il ne m’a pas traumatisé. On peut dire tout le bien dessus, OK, c’est cool. Mais moi, mon préféré c’est ‘Ca va s’Arranger’. Celui que les gens calculent le moins je suis sûr. Comme quoi c’est bizarre. C’est celui qui m’a demandé le plus de travail et c’est celui dont je suis le plus satisfait. Comme quoi. Quelqu’un peut venir me dire "Aaah, ‘Baise les Gens’, j’adore, ça a changé ma vie", mais quelque part, ça ne me fait rien. Ca fait naïf de dire ça, mais vraiment, c’est juste le plaisir de faire de la musique.

On va rester dans le "aaah, ça a changé ma vie". Justement, il y avait un débat il y a peu de temps sur notre forum à propos de la mixtape à laquelle tu as participé, Dimension Psychédelik. Certains commençaient à y reconnaître des sous Fuzati. Tu as l’impression qu’il y a des sous Fuzati qui apparaissent ?

Un peu. J’ai écouté la mixtape. Il y a des gars qui ont du talent dessus. Ecoute c’est normal. Il y a eu 10 000 sous Time Bomb, il y a eu 10 000 sous Lunatic, il faut bien que ça arrive.

Et toi tu prends ça comment ? Tu es quand même plus concerné par ça que par les sous Time Bomb.

Je m’en fous complètement parce que ça ne m’enlève rien. J’ai signé sur un truc, je vais sortir des disques. Je me dis juste "il y a des gars qui écrivent bien, c’est dommage qu’ils en sont à se conditionner à sortir des trucs bizarres pour sortir des trucs bizarres". Le gars qui a fait la tape est vraiment cool. Il a une vraie démarche. Quand il nous a approché, il nous a dit qu’il voulait faire un Antre de la Folie n°2. C’est normal qu’il y ait des petits jeunes qui essaient. J’espère que certains auront un talent d’écriture. Après, on va pas rentrer dans des embrouilles à deux balles d’Internet.

On va revenir aux sorties. L’album ?

Octobre 2003. Et un maxi avant. Il y aura "La Femme de Fer". Mais une nouvelle version. Un nouveau couplet. C’est une vraie chanson. Un morceau avec Cyanure, ici présent. Et un autre morceau. Le premier maxi était sur le thème de l’enfance, le deuxième sera sur le thème de l’amour. Justement, les gens m’ont reproché de ne parler que de l’enfance malheureuse. Mais pour moi "Poussière d’Enfant" et "Ca va s’Arranger" n’ont absolument rien à voir. C’est pas parce que tu parles deux fois de l’enfance que c’est exactement pareil. Il y en a une qui parle des traumatismes d’enfance. Comme disait Oxmo, "personne ne guérit de son enfance". C’est un peu l’idée de ‘Ca va s’Arranger’. Mais non, ça ne s’arrange quand tu as eu des traumatismes d’enfance. Et le deuxième c’est un enfant qui meurt, pourquoi ? Il n’y a rien de plus horrible que la mort d’une enfant, et le but du morceau est de démystifier cette injustice. En démystifiant un petit peu l’innocence de l’enfant, parce qu’on sait ce qu’il devient quand il grandit... Ca devient un nerd (rires).

Et là ça devient absolument horrible et invivable.

Moi honnêtement je n’ai pas envie d’avoir d’enfants. Quand je vois un enfant je fais "OK, c’est un être humain en miniature, on sait ce que tu vas devenir, pour l’instant t’es mignon mais après tu feras HEC et t’essaieras de niquer des gens dans des majors" (sourires). Tu vois.

Ce que j’aime bien dans votre chronique, c’est que vous n’avez pas fait l’amalgame entre ‘Poussière d’Enfant’ et ‘Ca va s’Arranger’. Vous avez compris que c’étaient deux morceaux différents. D’autres sites n’ont même pas calculé qu’il y avait des scratches sur tous les morceaux. Sur ‘Poussières d’Enfant’ tu as un effet de vocoder sur le scratch. Tu as un morceau turntablist. Combien de morceaux hip hop en France sortent avec du turntablism ? Tout le monde s’en bat les couilles ici du turntablism. Et les gens osent dire que je ne suis pas hip hop. "Ouais c’est un petit bourgeois, il ne sait pas ce que c’est le hip hop, ça fait un an qu’il est dedans". Alors qu’il y a des scratches sur tous les morceaux, et sur l’album ce sera pareil.

Tu tiens quand même à défendre une identité hip hop ?

D’un côté non. Mais d’un côté oui, juste pour les gens qui disent que je ne suis pas hip hop parce que ça fait quand même douze ans que j’écoute du rap. C’est super hip hop ce que je fais, même si ça n’est pas hip hop comme en France on le conçoit. Tu as une boucle, tu as un gars qui rappe dessus, tu as du scratch. En quoi c’est pas hip hop ?

Histoire de définition.

Ca dépend de la définition du hip hop. Ma définition du hip hop est super large. C’est pas parce que ça parle forcément de rue. Anticon dans ce cas là c’est pas hip hop. Pourquoi ce ne serait pas hip hop ?

Parce que les fans de pop sont plus nombreux à écouter Anticon que les fans de hip hop ?

Mais attends, les fans de hip hop c’est quoi ? C’est des gars qui ont 15 ans. Moi aussi quand j’avais 15 ans j’étais "ah, c’est hip hop, c’est pas hip hop". Comme tous les gars qui ont 15 ans et qui sont à fond dans un truc. Comme ceux qui sont passionnés par le foot et qui vivent foot. Au bout d’un moment, tu t’aperçois que la vie c’est aussi plein de choses, que le hip hop c’est une toute petite parcelle. Quand tu samples des trucs, il y a un truc derrière, c’est de la musique aussi. Voir tout avec l’oeillère du hip hop c’est se fermer le monde complètement. Voilà pourquoi je traîne avec des gens différents.

Les chros, notamment celles qu’on voit sur Internet, t’ont souvent accusé de t’enfermer dans un registre...

Ouais, mais là j’ai un peu envie de dire quelque chose : "les nerds, allez vous faire foutre". C’est mon premier disque, je ne rappe pas pour trois nerds qui ont entendu des impros. Moi mon premier truc c’est maintenant.

Oui, mais rien que par le nom, le Klub des Loosers, et le thème de la misère humaine, on peut se dire que ça peut durer un album. Mais après ?

Après je me renouvellerai. Il n’y a pas de problème. En fait, je ne raconte pas ma vraie vie, je raconte des atmosphères. Pour l’instant c’est comme si je réalisais un film, cette atmosphère j’ai envie de la travailler, elle a plein de facettes. Ce maxi, j’avais vraiment envie qu’il résume deux ou trois ans de ma vie où j’étais vraiment en dépression. Le prochain maxi sera un peu plus joyeux, au niveau des ambiances. Et sur l’album, qui sera un format assez court, un douze ou treize titres je pense, j’ai envie d’amener autre chose.

Le problème c’est que je suis très honnête. Je ne mens pas. Quand je dis que je n’allais pas bien, c’est que je n’allais vraiment pas bien. Ca se passe par le biais de l’écriture, et forcément, il y a un certain recul. Mais je ne mens pas. Tout ça, c’est juste pour moi, les autres gens n’ont pas à le calculer. Pour l’instant c’est ça mon univers et je le fouille. Si les gens sont saoulés par ce même univers, ils s’en vont : "t’écoutes pas et puis c’est tout" (avec l'accent caillera). Quand tu vois David Lynch, finalement, ça fait dix ans qu’il a le même univers. Simplement il le travaille différemment. J’essaie de ne pas tomber dans un créneau. Finalement l’idée Klub des Loosers, j’ai été le premier à l’avoir et j’aurais pu prendre un créneau très facile "ouh je n’ai pas de chance je suis un rappeur rigolo ouh je suis tombé par terre".

D’autres vont le faire à ta place.

D’autres vont le faire à ma place. Mais tu vois, ce maxi il est prêt depuis un an. Moi entre-temps j’ai évolué dans ma tête. Sur l’album, je pense que j’amènerai une vibe un petit peu différente.

On a déjà parlé de L'Antre de la Folie. Tu y as participé et ça t’a évidemment lié à toute la nouvelle scène hip hop indépendante française. Ton jugement par rapport à cette scène ?

Je ne peux pas juger des amis. Tout du moins des gens que je connais bien et que je côtoie. Tekila ça fait 7 ans que je le connais. Je trouve ça bien qu’il y ait une autre scène pour le rap français. Mais je n’aime pas ceux qui disent que c’est l’alternative. Ce n’est pas l’alternative. C’est pas nous le rap. C’est pas non plus Booba et tous les trucs de caillera. Il n’y a pas qu’une image du rap, même si tout le monde veut être gardien du hip hop et dire "le rap c’est ça". C’est bien que cette scène existe. Je n’ai pas envie d’être dans le travers "on lutte contre le hip hop français". C’est aussi important qu’il y ait du rap français ghetto et je ne vois pas pourquoi nous ce serait mieux que d’autres. Tu vois Booba par exemple, j’aime bien. Je n’ai rien à voir avec tout ce qu’il raconte, mais je trouve ça intéressant, je trouve qu’il a de très bonnes phases. Booba écrit bien sur certains morceaux, même s’il y a pas mal de remplissage. C’est important que cette scène rap française évolue, qu’il y ait de la diversité.

Mais tu sais, je ne traîne avec personne dans le rap. Je suis chez moi. Je suis à Versailles. Je fais mes études. Je fais ma musique. Je ne traîne pas en soirée et je n’ai pas de contact avec les gens. Et quand je les vois, je les vois en tant qu’amis plutôt qu’en tant que "tiens, je vais voir Tekilatex de TTC". Finalement, je suis assez renfermé sur moi-même. Et c’est bien. Les gens que je côtoie ne savent même pas que je rappe. Ca me permet de garder les pieds sur terre. Le rap c’est pas ma vie, c’est ma vie que je mets dans le rap.

On a parlé de la France, mais sur tous les pendants de cette scène là, sur toutes les scènes indépendantes américaines ?

Il y a une période où j’étais à fond dedans. Mais maintenant je me fous de savoir si untel a signé chez Def Jux. J’écoute juste des disques, et je sais si je les aime ou pas. La seule personne avec qui j’aurais envie de travailler c’est MF Doom. Ou Ghostface, mais ça c’est plus dur à avoir. Leur musique me parle, c’est vraiment la conception que j’ai du rap : une boucle, qui tue, et un gars qui rappe dessus. Sur l’album, c’est ce que je vais essayer d’amener. C’est pas que ça m’influence, c’est que c’est vraiment ma conception du truc. MF Doom et Ghostface, quelque part, pour moi, c’est la même chose. Une prise, un son bien crade, et une boucle qui tourne. Mais je n’ai pas envie d’avoir quelqu’un de la scène indépendante pour avoir quelqu’un de la scène indépendante. Si j’avais l’occasion de rapper avec Busdriver, je ne le ferais pas. Parce que je me ferais froisser (rires). J’aime bien, mais il n’y a pas l’envie fondamentale de le faire.

Sur les sons d’Orgasmic, on ressentait pourtant pas mal de trucs West Coast. C’est son truc à lui ?

C’est son truc à lui. J’écoute beaucoup de West Coast Underground, mais je ne me vois pas rapper comme ça, en tous cas pas dans le Klub des Loosers. Dans le Klub des Loosers il y a cette image, il y a cette voix un peu geignarde, ce flow qui va bien avec l’ambiance. Dire ce que je dis avec des flows West Coast, ça n’irait pas. C’est là où je dis que j’ai un flow. Parce que le flow doit correspondre à ce que tu racontes. Si mes phases étaient noyées dans un débit incroyable, on ne les calculerait pas. Ca fait 7 ans que je rappe. Je peux rapper West Coast. Il n’y a pas de problème.

Tu peux faire du Busdriver ?

Avec du travail, tu peux reproduire n'importe quel flow. Je peux écouter Log Cabin et reproduire les flows. Ca m’intéresse pour moi. Peut-être que je le ferai plus tard. Mais pour l’instant je suis dans le Klub des Loosers, ce projet là m’intéresse et je le fais. Avec Orgasmic, je crois que notre grande erreur, c’est qu’on était les meilleurs copains du monde. On traînait ensemble depuis 7 ans. On avait une passion commune et on croyait qu’en faisant de la musique ça allait défoncer. Et puis finalement, on n’avait pas tant d’affinités artistiques que ça. Au moment de faire la signature, comme au moment de faire un enfant, tu te dis "est-ce vraiment la bonne personne ?". Tu fais le bilan, et tu t’aperçois que ça n’est pas forcément ça.

Suit une discussion décousue sur des embrouilles récentes sur la scène rap.

Je trouve ça dommage. La scène hip hop est embryonnaire. Elle est différente. Et tout le monde commence déjà à se tirer dans les pattes. C’est pour ça que je me tiens éloigné du hip hop parce que ça n’est que des embrouilles toute la journée. Tu ne fais pas de musique. Moi j’ai autre chose à foutre. Sur Internet par exemple, au début j’y allais, mais je n’y vais plus. Ca me saoule de voir mon nom sali par des nerds. Ca ne m’intéresse pas. Internet, c’est bien, mais ça n’est qu’une catégorie de personne : des gens qui ont l’ADSL ou qui bossent toute la journée. Ca m’a desservi. Tout le monde en a parlé jusque parce que j’ai fait Grekfrite. Alors que je n’ai jamais été un nerd. Je ne sais même pas comment on entre un son en mp3. Je n’ai jamais lâché un post sur un forum. Des fois tu as des gars qui parlent de moi, et je me dis : "mais pourquoi ils parlent de moi, à côté il y a Triptik qui sort un album, moi je n’ai fait qu’un maxi".

Ca faisait du Klub des Loosers un groupe pour les nerds.

Oui. Alors que ne suis pas un nerd. Je sais faire marcher ma boîte mail. Je sais aller sur les forums. Mais je ne sais même pas chatter. Je ne suis pas dans ce monde là. J’ai pas le temps et chez moi je n’ai même pas d’ordinateur.

Comment t’es-tu retrouvé à Grekfrite ?

Tekila m’aimait bien, ça faisait longtemps qu’on se connaissait. Je l’avais connu par Orgasmic. Je le connaissais déjà à l’époque de ‘Ghetto Circus’, le premier morceau de TTC avec La Caution sur la compilation Vague Nocturne. Tekila m’a donné ma chance sur L'Antre de la Folie. Il a toujours été un bon manager pour moi. Sans que je lui demande rien, il m’a toujours poussé. Je le remercie vraiment, il a vachement aidé à fédérer cette scène. Mais Tekila, c’est comme Cyanure et James Delleck. Je les vois plus comme mes amis. C’est humainement que je les aime bien.

Il me reste les questions rituelles et conclusives sur la playlist.

J’en étais sûr. Je m’étais dit que j’allais réviser pour ça. En ce moment j’écoute Log Cabin. J’ai envie de te dire que j’écoute Operation Doomsday tous les jours. J’écoute Roy Ayers. J’écoute beaucoup de choses que je sample. Si je te le dis là c’est relou parce qu’on va savoir d’où je tiens mes samples. J’écoute de tout, mais pas tant de musique électronique que ça. Plus de la soul. Plus du jazz. J’écoute la musique des Trois Mousquetaires (rires).

Hein ? C’est quoi ça ?

Le dessin animé, Les Trois Mousquetaires. C’est horrible à dire mais j’écoute de tout. J’écoute un CD que m’a fait dEtEcT avec des vieux morceaux de Sach de The Nonce. J’écoute un morceau tiré de l’album de Busdriver et de Radioinactive. "Dis-moi ton nom, et je te dirais Radioinactive". Il froisse Busdriver, il fait des trucs incroyables. J’écoute les instrus que je fais pour voir là où ça déconne et les rendre meilleures. Je ne me vois pas écouter que du hip hop aujourd’hui, ça ne me convient pas. Ce qui me fait vraiment bander en hip hop c’est les trucs sortis entre 95 et 98. Tous les labels indépendants.

C’est pas 93-95 chez toi ?

Aussi. Mais c’est plus 95-98. J’aime bien les vieux Souls of Mischief, tout ça, donc on va dire 93-98. 95-96 ça a été une putain de bonne période.

C’est marrant, c’était pas vu comme tel à l’époque. 96 pour la plupart des gens c’était une année pourrie. A part le premier album de Ghostface.

Mais ils sont fous. Tu avais trop de trucs dans les indépendants. C’était bien. C’est ce hip hop là que j’aime. Des boucles et un gars qui rappe dessus.

Un message à faire passer aux gens ?

Ecoutez de la bonne musique et lâchez Internet.