Kerozen :: 2002 :: acheter ce disque

Cependant, James Delleck pose problème, bien davantage que TTC ou La Caution. Quand certains notent le caractère jouissif du mini hit "C'est In" (une diatribe anti bobos) ou de l'instru de "Spectacle" (un titre de TTC sur la compile Projet Chaos dont James signe la prod), d'autres ne voient en lui qu'un b-boy banal, à peine remis d'avoir découvert d'Autechre. Et ils ont tous raison : James Delleck n'a pas son pareil pour concocter des titres accrocheurs, mais il applique pour cela des recettes largement éprouvées par plusieurs pans des musiques électroniques.

Tout était donc possible pour ce premier album. L'objet qui sortirait de la caverne de Monsieur Delleck pouvait être tout autant une collection de petits tubes, qu'une suite de formules convenues. Malheureusement, aujourd'hui qu'est disponible Acouphène (une compilation de titres connus et de remixes, plus qu'un disque inédit), on penche vers la deuxième option : ce disque est une grosse déception. Sur Acouphène, il y a l'electro et le sautillant de "C'est in". Et le reste est out.

Enfin, pas tout à fait. "Aère", l'un des titres mal aimés de Projet Chaos n'est pas si horrible que certains ont pu le dire, et le malsain "Antechrist" fait preuve d'une véritable personnalité. Mais le reste est gâché par des poses encore très rap français (ce mal absolu) et s'embourbe trop souvent dans des sons Goldorak et de l'expérimentation ronflante de bac à sable. Une invocation convenue de David Lynch ("Outrolynchienn") ou un vocoder saoûlant en sont les signes les plus sensibles. Le comble est que James Delleck parvient même avec "La Bulle", un remix de "C'est In" qui tire vers la mauvaise French Touch, à livrer une instru qui conviendrait à merveille aux faux branchés qu'il dénonce sur le même morceau.

Un acouphène est l'illusion d'un son persistant, durable, une sensation férocément accrochée aux tympans. Le titre, malheureusement, risque d'apparaître inadapté dans quelques mois, tant cet album dans le nouvel air du temps semble voué à périr. Globalement, Acouphène est une bonne nouvelle. Il montre un rap français en mouvement, capable d'abattre les murs épais qui entouraient l'espace étroit où il s'était retranché. James Delleck démontre en somme qu'une longue route a été parcourue. Malheureusement, une bonne moitié du chemin reste encore à faire.