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Sachant parfaitement pérenniser une formule qui fait mouche, le MC (et producteur, et beatboxer) a recyclé le maxi et sa chouette pochette, l'a enrichie de 5 autres titres et a sorti le tout sous le format d'un EP répondant au doux nom de Take Home Tes. Premier constat : si vous faîtes trop confiance aux comparaisons élogieuses de ces fameux critiques (très) spécialisés mais en mal de références, vous serez déçus. Tes n'a rien d'un clône ou d'un suiveur, il a une voix, un style et un son très personnels auxquels il faudra vous habituer.

La voix tout d'abord : entré dans le hip hop par le beatboxing, Tes a appris tout jeunôt à se servir de ses cordes vocales et à la pousser vers tous les extrêmes. Théâtral, possédé, le MC articule, appuie chacun de ses mots et profite de son timbre aigre, parfois au bord de la rupture, pour s'installer dans un ton mordant, dérangé et dérangeant. Les paroles délirantes sont à la hauteur. L'homme se complaît manifestement dans les mots compliqués (regardez, j'ai réussi à caser le mot "solipsisme" dans mon rap !) et les histoires alambiquées (un remake du Livre de Job sur "Dualism", rien qu ça). A apprécier si vous arrivez à le suivre.

Les beats ensuite : comme pour sa voix, Tes (et les Neurologists sur deux remixes) leur autorise tous les outrages. Une seule écoute du fameux "Acts of Tragedy", permet d'en avoir rapidement le coeur net. Le titre transporte l'auditeur d'un piano pour le moins menaçant secondé par de gros coups de caisse claire vers un second mouvement à la fois speed et ambiant. Le tout est assez ébouriffant, et ne fait que résumer la suite, à part le freestyle passable de "No Mic Freestyle" et l'excellent titre beatboxé "Mouth of the River", tous deux assez singuliers.

Tes veut et sait manifestement impressionner son monde. La contrepartie, c'est ce côté très forcé : le MC en fait beaucoup, beaucoup trop. Take Home Tes confirme trop souvent que les titres les plus expressionnistes ne sont pas les plus durables ni les plus transcendants. Le EP a toutefois le mérite de révéler un artiste qui sait se dépasser : les meilleurs titres n'y sont pas ceux du maxi. Si "No Mic Freestyle" est pénible comme un freestyle (à moins d'aimer le rap et de suivre facilement l'anglais de Tes), "Dualism" et "Waveforms" sont aussi bons que les premiers titres, et les deux versions de "Sound Investments" sont tout bonnement prodigieuses, hallucinantes, surréelles et sublimes. Rien que parce qu'il est capable de pondre ça, Tes a gagné ses galons. A surveiller de très près, malgré les imperfections et les effets un peu trop tape-à-l'oeil de ce Take Home Tes.