7Heads / Chronowax :: 2001 :: acheter ce disque

Si l'année hip hop 2001 est apparue si morne jusqu'ici, c'est peut-être que les bonnes choses ne viennent jamais d'où elles sont attendues : pour exemple ce Soon Come proposé par The Unspoken Heard, un duo dont nous nous soucions bien peu, à inscrire pourtant parmi les bonnes surprises de l'automne. Pour situer, Asheru et Blue Black sont originaires l'un du Maryland l'autre du Bronx et appartiennent à l'entourage des Lone Catalysts et des Sound Providers, soient au pan conscient et conservateur du hip hop indépendant. Un hip hop salutaire quand il fallut trouver une alternative à l'outrance et au matérialisme éhontés du genre, mais qui s'est égaré depuis dans ses propres clichés.

Toutes les caractéristiques de ce rap dont Train of Thought a consacré l'an dernier le déclin sont présentes sur Soon Come. Mais comme au temps d'avant, encore pourvue de fraicheur et d'esprit. Logique, l'album regroupe des titres dont la genèse remonte loin dans le temps. Asheru & Blue Black ne se sont pas hâtés, ils se sont livrés au travail d'élagage souvent négligé dans le hip hop, et cela se ressent. Ils ont aussi rassemblé un grand nombre de producteurs (le bottin mondain du genre : Sound Providers, 88 Keys, J-Rawls, Self Scientific, etc...) qui varient les plaisirs mais dont les styles très proches garantissent une unité de ton.

L'ambiance générale du disque est évidemment sans la moindre surprise : jazzy pour le son, et tantôt festive, tantôt "consciente" côté paroles. On a bien sûr droit à des "feel the beat and don't stop", des "yo, yo, you're so unique", et pour conclure "Soul" un "fuck, keep it real, we just keep it conscious, the reality is to be free in mind, body and soul" après force "we got soul" et "fresh, fresh". Bref, que du prévisible de chez prévisible. Alors, qu'est-ce qui fait de Soon Come un bon album ?

Quelques ébauches de réponse surviennent toutefois, ici et là. "Live at Home", par exemple, évite le syndrôme du morceau jazz rap chiant grâce à des percussions ingénieuses. Le charme de "Theme Music" tient dans sa mandoline. Même chose pour "B Boy (We Get Shit)" et son entraînante guitare acoustique. De fait, chacun des titres a une accroche, mis à part quelques ratés : "Welcome", pas forcément la meilleure entrée en matière ; et "Jamboree", issu du EP du même nom, qui franchit dans le mauvais sens la limite entre influence jazzy et cliché jazz.

Autre explication, Soon Come se distingue à plusieurs reprises par un côté très lounge, très musique d'ascenseur, dans le sens noble du terme, si toutefois il existe. Il n'y a qu'à écouter l'instrumental "Meals to Diner Time Prelude" sur l'excellent "Dear You" (où The Unspoken Heard expliquent à leur amante qu'ils lui préfèrent finalement la musique) ou sur le facile mais réussi "Soon Come" pour s'en rendre compte. Un titre s'appelle même "Elevator Music". Il est placé à la fin, son côté easy-listening vient de choeurs tout gentils, et c'est le titre le plus saillant de l'album. Le meilleur. Le coup de génie qui permet de quitter l'album sur une très bonne impression, alors qu'il est loin d'être parfait.

Soon Come réédite l'exploit accompli par The Essence of J-Rawls six mois plus tôt, il surprend dans le bon sens. Les reproches à l'encontre d'Asheru et Blue Black, dispensateurs prodigues d'un rap de boy-scout, ne peuvent aller très loin. C'est là leur truc, un style qui correspond à leur nature de gens instruits, équilibrés et pédagogues (professeur dans la vraie vie, Asheru a récemment développé un programme d'études, NOMMO, dont le but est de dispenser une éducation plus proche de l'univers culturel des jeunes), et ils ont raison d'y être fidèles. Tout juste ce rap entre deux eaux semble-t-il trop étriqué pour laisser place à d'autres bonnes surprises. Mais pourquoi pas, nous verrons.