Ca devait arriver, il fallait bien qu'un jour le hip hop lui aussi traverse sa phase new-age et donne dans le mysticisme. A présent c'est chose faite, avec cet album d'ailleurs plutôt convaincant des Lost Children of Babylon.

Baby Grande :: 2001 :: acheter ce disque

L'histoire des Lost Children of Babylon commence avec la participation de Rasul Allahu (The Face of the Golden Falcon) et de Dawoud (The Breath of Huwa) au premier single des Jedi Mind Tricks, "The Amber Probe" en 1995. Deux ans plus tard, ils remettent ça sur le classique The Psycho-Social… Renforcés par Richard Raw (The Linguistic Ventriloquist), Cosmic Crusader (The Plumed Serpent) et Ancient Kemite (The Alchemist), le groupe prend alors sa configuration actuelle. Originaires de Philadelphie comme les JMT, les Lost Children n'ont toutefois pas suivi le virage thug pris par Ikon et les siens sur Violent by Design. Bien au contraire : en 2001, ils sortent un premier album, Where Light was Created - The Equidivium, qui pousse à leur paroxysme les délires mystiques présents sur The Psycho-Social…, les provocations sacrilèges en moins.

Les élucubrations religieuses et les allusions à l'Antiquité existent de longue date dans le hip hop, et dans les musiques black en général. Mais jamais ils n'ont été poussés aussi loin. La pochette façon goa trance permet de s'en rendre rapidement compte. Le groupe nous y apprend que The Equidivium est dédié au "Supreme Grand Hierophant Neter Aferti Atum Ra Amun Nubi Ra Ankh Ptah" et dévoile des titres aussi obtus que "Seras-tu Prêt pour le Retour des Elohim", "Conscience Cosmique" ou encore "Quand nous nous Unissons au Soleil". Les cinq Lost Children se déclarent d'ailleurs adeptes de la Vraie Connaissance professée par le Dr. Malachi Z. York, le gourou des Nawaubians, une croyance qui encourage la lecture des textes sacrés des anciennes civilisations.

Les paroles ne s'écartent jamais de cette thématique religieuse, et il est bien difficile de commenter des histoires d'alignement astrologique sur les pyramides de Gizeh, ou autres mentions de dieux obscurs de l'Egypte Antique. Il faudra bien que les Lost Children of Babylon nous en donnent la clé un jour ou l'autre, si toutefois elle existe. Cependant, bien que quasiment incompréhensibles, et plutôt lassantes sur la longueur, les paroles des cinq MC's en deviennent presque drôles.

Sans surprise, la production colle de près à ces élans prophétiques, par l'usage plus que fréquent d'ambiances d'outre-monde et de chœurs pseudo sacrés. Mais le producteur DJ Man-E et les Lost Children of Babylon ont bien assez de talent pour éviter les grossièretés à la Enigma et respecter le dépouillement qui caractérise le meilleur rap. Les titres sont souvent trop longs et étirés, il faut bien coller aux élans mystiques du groupe et laisser de la place aux 5 MC’s, mais tous sont bons, voire excellents ("Are you Prepared", "Book of Black Light", "Through the Eyes of an Embryo"). On tutoie même le grandiose avec "Giving Praise" et le très atmosphérique "As We Become one With the Sun".

Reprocher aux Lost Children of Babylon leur mystique à deux balles est un faux procès. Le rap est un immense chantier de recyclage et d'assemblage d'éléments disparates et ces élucubrations religieuses foireuses lui vont beaucoup mieux qu'au rock, aux musiques électroniques ou à d'autres genres. Bravo donc au groupe pour livrer cet album riche de quelques véritables gemmes. Ses cinq membres semblent avoir trouvé la voie qui leur sied le mieux, et c'est avec intérêt que nous suivrons leurs prochaines aventures sous le nom de Lost Children of Egypt, ainsi que les escapades solo de Cosmic Crusader et de Richard Raw.