Issu du Sciensation-ist Crew, collectif hip hop rouennais, Djilali vient de sortir avec Pure Vibes une mixtape d’un niveau pas si commun en France. D’un format assez classique, mais très solide, forte d’une sélection sans tâche et d’un goût très sûr et, last but not least, très bien mixée, elle s’inscrit dans le peloton de tête des meilleures choses que nous avons reçues de France depuis le début de l’année.

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La présence du single "Get Down" de Sound Providers, du "Me or the Papes" de Jeru the Damaja, issu de The Wrath of the Math, produit par Primo et toujours aussi bon cinq années plus tard, quelques passages du "The World is Yours" de Nas montrent très rapidement et assez clairement que la saveur prédominante sur Pure Vibes est celle du jazz rap. Le Sciensation-ist Crew va même jusqu'à inclure deux titres dans le même esprit mais de son propre cru, "Non Stop Rimant" et "Pur dans l’Esprit", qui trouvent très facilement leur place dans ce paysage familier.

Les artistes convoqués par Djilali sont en majorité ceux que nous nous sommes précipités d’appeler middleground, soient des gens issus des labels indépendants mais adepte d’un format rap traditionnel. Parmi eux J-Sands, J-Rawls (ensemble et séparés), les excellents People Under the Stairs, le britannique Ty et son increvable single Break the Lock, tous dans leur meilleur jour. A noter aussi la présence du très bon "Factotum" issu du Music to Drink by de Louis Logic, le protégé des Jedi Mind Tricks que nous avions interviewé il y a près d’un an. Et de tous ces gens, ce sont les Lone Catalysts au complet accompagnés par Rubix et Talib Kweli qui s’en tirent le mieux sur leur génial "Due Process", preuve ultime que dans de bonnes conditions, J-Rawls côtoie le sublime.

Histoire de varier et de compléter sa coloration jazz rap, Djilali coupe ses longs passages hip hop de magnifiques standards soul. Et là, évidemment, on ne peut que succomber devant de somptueuses perles comme le "90% of Me..." de Gwen McRae, le "Holding You, Loving You" de Don Blackman ou le merveilleux "Everybody Love the Sunshine" de Roy Ayers, présent ici en guise de conclusion. Ce sont évidemment là, avec trois ou quatre autres, les meilleurs titres de la mixtape. On se demande d’ailleurs bien pourquoi la nu soul ou un certain rap s’efforcent désespérément de reproduire cette musique. Il est impossible de faire mieux.

Pour compléter le tableau, les enchaînements de la mixtape sont naturels, sans couture, preuve que leur concepteur est assez respectueux pour s’effacer devant son sujet, sans pour autant livrer une simple et bête compilation. Djilali se permet d’ailleurs quelques détails rigolos comme l’intermède qui sépare "Get Down" de "2 the Left". Et côté turntablism, il a aussi le bon goût d’avoir convié DJ Kodh, l’un des meilleurs DJ’s français et le champion du monde DMC 2000, venu prouver ici son impressionnante maîtrise du scratch sans virtuosité inutile et excessive.

Bref, toutes les règles nécessaires à l’enregistrement d’une bonne mixtape sont ici respectées. Et cela est payant. Evidemment, il serait normal pour Hip Hop Section de reprocher à Pure Vibes son académisme, indéniable. Respectueux d’une certaine tradition rap, Djilali enfile avec un peu trop de révérence l’habit hip hop qu’il préfère. Mais ça serait de faux reproches et du mauvais esprit : presque irréprochable, cette mixtape est un plaisir pour les oreilles. Et c’est tout ce qui compte.