Même si la plupart des morceaux ici présents étaient déjà sortis, il est à peu près certain qu’Afu-Ra comptait frapper très fort avec cet album, comme l’on fait ceux qui lui prêtent aujourd’hui main forte. Manque de chance, c'est raté.

Koch Records :: 2000 :: acheter ce disque

Dans la famille "Primo sauve ma carrière", je demande Afu-Ra. Après avoir fait ses premières armes aux côtés de Jeru the Damaja sur les classiques certifiés que sont ses deux premiers albums, le MC a en effet eu l’excellente idée de ne pas suivre son protecteur dans sa brouille avec Gangstarr. Ce qui lui permet aujourd’hui de sortir un premier disque sous l’égide du monsieur top-credibility du rap, j’ai nommé DJ Premier, ici présent en tant que producteur exécutif. Avantage de ce type de parrainage, Afu-Ra a pu s’entourer de quelques grosses pointures à la production (Da Beatminerz, DJ Muggs, True Master, et évidemment Primo lui-même) et au emceeing (les Wu-Tang GZA et Masta Killa, MOP, les Cocoa Brovas). Tout ce beau monde sur un album, Body of the Life Force, pour lequel Afu-Ra a sans doute tout donné.

Même si la plupart des morceaux ici présents étaient déjà sortis, il est à peu près certain qu’Afu-Ra comptait frapper très fort avec cet album, livrer avec fierté une grande œuvre, inscrire son nom au panthéon du hip hop, comme l’on fait ceux qui lui prêtent aujourd’hui main forte. Manque de chance, c'est raté. Comme souvent en de telles circonstances, le MC semble s’empêtrer dans l’idée qu’il se fait d’un bon album hip hop : rendons un hommage au reggae sur "D&D Soundclash" en compagnie des Cocoa Brovaz, payons un tribut au r'n'b sur "Caliente", et ajoutons des accents latinos sur le même, histoire de faire original et d’une pierre deux coups, donnons dans le rap mélancolique de circonstance sur "Self Mastery", soyons menaçants sur "Mortal Kombat" et sur "Warfare". Et puis fendons-nous d’un petit hommage à Big L au passage, histoire de faire comme le patron. Tout ça est très sympathique, mais manque un peu d'originalité.

Autre preuve de sa bonne volonté, Afu-Ra rappe d’un air convaincu, comme un forcené, sous forte influence kung-fu. Malheureusement, si son phrasé saccadé et linéaire pouvait faire illusion et varier les plaisirs aux côtés de Jeru, il se retrouve ici un peu seul, un peu nu. Bon, d’autres MC’s souvent meilleurs viennent de temps à autre lui prêter secours, mais la comparaison n’en est que plus cruelle. Il n’y a qu’à écouter "Bigacts Littleacts", l’un des titres pas trop mal de l’album, pour constater qu’un fossé le sépare de quelqu’un comme GZA. Même chose avec M.O.P. : inutile de se mesurer à eux au rayon gros thug méchant hardcore, c’est perdu d’avance. Afu-Ra est latté en permanence par ses amis.

Bon, pour rendre tout à fait justice à cet album, il faut bien mentionner "Equality", seul titre franchement dynamique à sortir du lot, où Afu est accompagné fort à propos par un toaster reggae. Il se passe aussi un petit quelque chose sur la belle tronche de single de "Defeat". Mais le reste n’est fait que de titres à peu près corrects, parfois même agréables, mais sans grande personnalité, convenus, souvent ennuyeux, à la longue ("Soul Assassination", "All That"). Rien à faire, la sauce ne prend pas. Tout ça n’est qu’un nouvel exemple du syndrome "rap à papa" dans lequel l’entourage de Gangstarr sombre de plus en plus. Le pire dans l’histoire, c’est que Body of the Life Force restera sans doute comme le meilleur album d’Afu-Ra. A moins qu’il ne soit le seul.