Le label qui devait regénérer le rap a donc failli, il a trahi. Pour preuve cette nouvelle compilation honteuse en tout point. Car Lyricist Lounge II pue, Rawkus pue, et ceux qui s’empresseront de dénoncer notre revirement vis-à-vis de ce label sans avoir jamais entendu la moindre note de Soundbombing I puent tout autant.
Rawkus :: 2000 :: acheter ce disque
Pour se faire pardonner l’œuvre infâme qu’ils viennent de sortir, Rawkus et les organisateurs du Lyricist Lounge semblent avoir trouvé la parade. Après avoir contribué sur le premier volume à faire découvrir des artistes récents et méconnus qui se sont illustrés en ce lieu mythique, ils expliquent dorénavant, avec une affligeante mauvaise foi, vouloir rétablir l’équilibre en laissant s’exprimer quelques poids lourds de l’industrie rap. Comme si un tel retournement de veste était légitime et naturel, comme si l’underground et l’intelligentsia rap avaient finalement des vertus comparables, comme si sortir une énième compilation d’artistes archi-grillés avait quoi que ce soit d’éthique et d’équilibré.
S’alignent donc sur cette compilation une sélection de rappeurs archi-connus, et pour la plupart de moins en moins intéressants (Q-Tip, Prodigy, M.O.P., Redman, Cocoa Bravaz, Erick Sermon, RZA, Ghostface, Kool G Rap....), voire carrément pénibles (Beanie Siegel, JT Money, Pastor Troy). Cerise sur le gâteau, Lyricist Lounge II donne même dans l’exercice nécrophile. Après 2Pac sur le très médiocre album posthume de Big L, Rawkus nous ressuscite son pendant, Notorious BIG. Normal : voici un jeune artiste prometteur qui mérite les lumières de la rampe et qui en profitera sûrement... Ah, tout de même, la compilation se permet d’inviter quelques artistes étiquetés "indépendants". Mais bon, toujours les mêmes, des Mos Def, des Talib Kweli, des Hi-Tek, des Alchemist, des Pharoahe Monch et des Dilated Peoples, comme par hasard les gens les plus prompts à descendre la même pente glissante et dangereuse que leurs prédécesseurs.
Vous voulez des preuves ? Bien, prenons donc les deux premiers morceaux où saint Mos Def intervient. Le premier est "Oh No" en compagnie de Pharoahe Monch et de... Nate Dogg, dont les choeurs proclament "we run from the East to West Coast". Formidable, c’est la paix entre les deux côtes, entre le g-funk et la génération Rawkus, tout le monde s’aime. Peace, love, unity and sales figures. Et pourtant, ce titre terriblement quelconque est l’un des meilleurs de l’album.
Le second titre de Mos Def, quant à lui, est la suite du formidable "Ms Fat Booty", en compagnie de Ghostface Killah. Manque de chance, les deux MC’s ont beau avoir livré séparément deux des meilleurs albums de ces derniers mois (Black on Both Sides et Supreme Clientele), l’alchimie est loin de fonctionner. L’intervention de Ghostface est oubliée deux secondes après sa fin, et Mos Def s’égosille comme un vieux avant l’âge sur une rythmique façon "I Need Love" et une composition ralentie, poussive et chiante à mourir. Le second "Ms Fat Booty" est tellement raté qu’on finit par se demander si le premier était aussi bien que ça.
Les deux Reflection Eternal ne s’en tirent pas mieux. "Sharp Shooters" de Talib Kweli, en compagnie de Dead Prez, est la fusion assez prévisible des deux, entre le "Down for the Count" du premier et le "Be Healthy" des seconds, mais en moins bon. Un MC conscient + deux MCs conscients, il était fort à parier que ça donne du chiant, et c’est effectivement le cas : on est loin du concours de circonstance qui a permis aux deux rappeurs quelconques de Dead Prez de sortir l’un des meilleurs albums de 2000 (Let's Get Free), mais très près des pires déceptions de Train of Thought. Hi-Tek, quant à lui, et malgré une composition tout en ambiances, réalise presque l’exploit de se rabaisser au niveau du très pénible Beanie Siegel, qu’il accompagne sur "Get that Dough".
Les vieux, de leur côté, ne livrent rien de mieux. Q-Tip est ennuyeux comme la pluie ; même chose pour le titre "WYKA (Why Kick your Ass)" et son horrible boucle ; les M.O.P., pourtant renforcés par Kool G Rap et surtout DJ Mighty Mi, se plantent royalement ; et "The Grimy Way" de Prodigy et Big Noyd serait à peu près correct s’il était trois fois plus court. Bon, à la limite, le "He Lives" concocté par Last Emperor, Prince Paul et RZA vaut le détour, le "Battle" d’Erick Sermon peut être qualifié de sexy, sur deux ou trois secondes, et le "I’ve Commited" r'n'b (oups, pardon, nu soul !) de Macy Gray (remixée par Gangstarr) bénéficie d’un refrain putassier mais séduisant. Enfin, le "Right & Exact" des Dilated Peoples et le "Get Up" de Cocoa Brovaz, construit par Hi-Tek sur un motif très répétitif, sont les deux seuls morceaux vraiment bons du disque.
Mais le reste, quelle horreur ! Le morceau avec Royce da 5'9, l’ancien collègue d’Eminem, est d'une lourdeur et d'un mauvais goût impensables, dans un délire pseudo-classique interprété au bontempi, le tout avec un refrain chanté absolument infâme. Comment oser sortir un truc aussi immonde ? L’abject absolu est même dépassé sur le "Watcha" de Master Fuol. Bref, passons tous ces exemples, cet album n’est même plus décevant, comme ont pu l’être le Big L ou le Reflection Eternal. Il est mauvais, définitivement pénible et informe. Lyricist Lounge II pue. Rawkus pue. Et ceux qui s’empresseront de dénoncer notre revirement vis-à-vis de ce label sans avoir jamais entendu la moindre note de Soundbombing I puent.
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