De petits passages quelquefois convenus et le ton un peu trop adulte du tout empêchent Like Water for Chocolate d’être le disque irréprochable que certains ont décrit. Peu de doute, cependant, qu’il soit à jamais reconnu comme le deuxième grand disque offert par Common au hip hop.

COMMON - Like Water for Chocolate

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L’heure, manifestement, est au hip hop soit-disant posé et intelligent usuellement appelé conscious rap. Dans ce contexte, il n’est que justice que Common, autrefois Common Sense, connaisse enfin son heure de gloire. Après trois albums dont le meilleur reste Resurrection, sorti en 1994, il livre enfin avec Like Water for Chocolate, selon une critique dithyrambique et quasi unanime, sa grande œuvre, ultime et définitive.

Puisant plus que jamais dans le long et riche passé musical et historique de la communauté afro-américaine, comme l’indique la pochette, Common a su également s’entourer d’une véritable dream team de collaborateurs partageant une approche similaire du genre : Mos Def, Black Thought, les Soulaquarians (Questlove, D’Angelo, James Poyser, et Jay-Dee), Slum Village, MC Lyte, DJ Premier, Vinia Mojica, et même le turntablist Mista Sinista (des X-ecutioners), le trompettiste Roy Hargrove et le saxophoniste Femi Kuti. C’est d’ailleurs au père de ce dernier, la légende afro-beat Fela Anikalapo Kuti, qu’est dédié le premier morceau, "Time Travelling", longue introduction où Common fait un premier bilan de sa carrière. Toujours aussi black, mais dans une veine plus funk, mâtinée parfois de jazz, grâce à l’orgue de James Poyser et à la trompette de Donald Byrd, "Heat et "Cool Blooded’", produits par Jay-Dee et ses Soulaquarians, prennent le relais.

Jusque là, Common a assuré le sans-faute. Le meilleur est pourtant à venir, avec le quatrième titre de l’album, "Doinit", où Common bénéficie à point nommé du jeu subtil mené conjointement par une basse et un piano. Sans doute le sommet de l’album, précédant à point nommé le single très soul "The Light", à l’origine du succès commercial de l'album. Le rappeur garde le rythme sur les titres suivants, brassant tous les pans des musiques noires avec la même maîtrise. Après une ode au funk dont les voix millésimées viennent puiser au cœur des années 60-70 ("Funky for You"), produite par Jay-Dee et très proche de ce que fait ce dernier avec Slum Village, Common est rejoint par Mos Def sur un "The Questions" assez convenu, lequel se livre à son jeu favori : la critique de la forfanterie de certains rappeurs. Puis surgit "The 6th Sense", surmonté d'un brillant choeur ("you should know"), et bâti sur l’une des meilleures productions concoctées par DJ Premier ces dernières années.

L’ennui commence cependant à pointer son sale nez après le lymphatique mais encore solide "Afrodesiac", avec "A Film Called (Pimp)", saynète lassante entre Common, D’Angelo et MC Lyte (où cette dernière s’offre un rôle taillé sur mesure de prostituée), puis avec "Thelonius", où les Slum Village viennent un peu gâcher la fête. L’album s’achève finalement en roue libre, malgré quelques trouvailles, comme le scratch lent sur fond éthéré qui vient hanter la drôle d'histoire de "Payback is a Grandmother", et malgré les choeurs soul de D’Angelo sur "Ghetto Heaven", dernier grand titre de l’album. De petits passages quelquefois convenus, parfois trop lisses, et le ton un peu trop adulte du tout empêchent Like Water for Chocolate d’être le disque irréprochable que certains ont décrit. Peu de doute, cependant, qu’il soit à jamais reconnu comme le deuxième grand disque offert par Common au hip hop.