"My most fantastic creature, a superior being, a vision of africonic beauty, a black Goddess come to Earth". Ainsi Bahamadia est-elle annoncée sur cet EP récent. Restait à juger sur pièce...

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A l’origine protégée de DJ Premier et des Roots, Bahamadia est progressivement devenue, forte de sa voix grave et son flow haché et susurré, la principale égérie de l’internationale hip hop underground. Collaboratrice de grands noms de l’East Coast (Talib Kweli notamment, sur Soundbombing II), de la West Coast (les Cali Agents) comme de l’Angleterre (The Herbaliser, le junglist Roni Size), elle a, en dépit d’un premier album plutôt moyen, acquis un statut. Statut très clairement revendiqué sur le titre de son nouvel EP, BB Queen. Et ce dès l’intro, un brillant ego-trip à la sauce féminine où des samples des pionnières MC Lyte et Queen Latifah annoncent la venue de la reine du micro : "my most fantastic creature, a superior being, a vision off africonic beauty, a black Goddess come to Earth, miss… Bahamadia". Le moment est donc venu de juger sur pièce.

D’emblée, Bahamadia abat l’une de ses cartes maîtresse : son dernier single, "Special Forces", où les Cali Agents (Rasco et Planet Asia), en forme cette fois, Chops des Mountain Brothers et le brillant DJ Revolution viennent lui prêter main forte. Suite de courtes phrases en crescendo, de facture classique mais tout à fait percutant, ce titre n’est pourtant pas représentatif du EP, qui s’oriente aussitôt après vers des titres plus posés, limite doucereux, dans un genre défendu aujourd’hui par le producteur Jay-Dee. Le groupe de ce dernier, Slum Village, est d’ailleurs présents sur "One-4-Teen (Funky For You)", mais le producteur est malheureusement remplacé par un Ronald Estill poussif à la production. Fait tout entier d’un groove indolent issu du passé le plus érotique et lascif des musiques noires, choeurs masculins à l’appui, "Commonwealth" (hommage aux femmes dans le besoin), "One 4 Teen (Funky for you)", "Philadelphia" et "Beautiful Things" (le plus réussi de la série, produit comme son prédécesseur par l’inconnu Dwele) conviennent relativement bien à la voix aigre-douce de Bahamadia, exact contraire des roucoulements infâmes de la volaille r’n b. La magie, pourtant, n’est pas toujours au rendez-vous : la frontière entre génie et ennui est ténue dans ce genre d'exercice, et la rappeuse n’est pas sans la traverser, à plusieurs reprises. Elle ou ses comparses, puisqu’elle s’efface sur ‘Philadelphia’ devant de délicats choeurs masculins.

Sans se démarquer de l'ambiance ouatée du reste, Bahamadia s’engage en fin de disque dans un exercice drum’n bass, expérience déjà tentée trois ans plus tôt, et avec maestria, en compagnie de Roni Size. Accélérant son flow pour suivre le rythme effréné des breakbeats, la rappeuse confirme que le genre lui va bien : "Pep Talk" est en effet, "Special Forces" excepté, le meilleur titre du EP. BB Queen, mi-figue mi-raisin, n’explore donc qu’une face de Bahamadia, bien en phase avec le conscious rap de mise ces derniers temps. Un gâchis, quelque part, vue la large palette de styles et d’approches où la rappeuse s'est déjà illustrée avec talent.