DIZZEE RASCAL – Boy In Da Corner

Pour un disque soi-disant original et fondateur, le Boy In Da Corner de Dizzee Rascal a suscité un montant impressionnant de commentaires cliché, de discours convenus et de propos rabâchés. On nous a tout ressorti à propos de ce jeune et improbable triomphateur de l’année 2003. D’abord, les vieux fantasmes rock’n’roll : l’âge de l’artiste (rendez-vous compte ma p’tite dame, ce prodige a dix-huit ans) ; les vieux rêves de révolution musicale ; l’espoir d’un album-messie capable de redéfinir de fond en comble notre façon d’écouter des disques.
Ensuite est revenue la vieille antienne du hip hop à l’anglaise, « ça y est, c’est formidable le rap anglais a trouvé sa voie en brassant l’urgence et les racines street du hip-hop US aux influences jamaïcaines et à la club/rave culture UK ». Une rengaine remise opportunément sur la table, resservie telle quelle et en toute innocence, comme pour le London Posse dix ans plus tôt, comme pour Roots Manuva cinq ans avant, comme toujours dès qu’un rappeur anglais essaie un tant soit peu d’être lui-même.
Ces égards, Dizzee Rascal les mérite, en grande partie. Car oui, il a du talent. Oui, il rappe comme un dément. Oui, ce UK garage ou je ne sais quoi, cette sorte de bounce exacerbé, et transfusé de ce qu’il restait de la jungle, donne lieu parfois à des tubes dévastateurs (outre le fameux « I Luv U », il y a « Stop That », « Fix Up Look Sharp », « What You Want »). Oui, ce teenage angst à la sauce rap, hardcore, street, a quelque chose de savoureux. Oui encore, il est bon de prêter l’oreille à l’humour ambigu et désespéré à l’œuvre sur « I Luv U » et ailleurs. Oui c’est super bien foutu, oui ça tombe à point nommé. Oui, c’est de la musique anglaise et la musique anglaise c’est ça, vous l’ignoriez ?
Efficace et enthousiasmant sur l’instant, daté dans dix-huit mois et jusqu’au prochain revival. De la musique de bal, du délire de show-biz, de la matière idéale pour les critiques pédants. Un truc exagérément monté aux nues aujourd’hui, injustement jeté aux gémonies demain. Le genre de disque sur lequel on s’étonne quand on retombe dessus quelques années plus tard (« mais que fait donc ce truc dans ma discothèque ? »), avant de se reprendre, un sourire de crétin nostalgique aux lèvres (« bah, après tout c’était bien, j’en ai sacrément bien profité »).