TYLER, THE CREATOR – Don’t Tap The Glass
Sorti le 21 juillet 2025,
chez Columbia Records.
C’est un album léger que cette sortie surprise de Tyler, the Creator, apparue sans prévenir au beau milieu de l’année. Il semble avoir été conçu à l’arrache, à en croire ces dix titres qui se tiennent en moins d’une demi-heure et cette pochette décalée. Cette dernière laisse penser aussi qu’elle est un retour aux sources pour l’ancien meneur d’Odd Future, avec son imagerie très hip-hop des années 80. Et à raison. Avec Don’t Tap The Glass, l’auteur veut revenir aux origines oubliées du hip-hop : la danse.
L’observation à l’origine de cet album est la suivante : à une époque où le moindre de nos gestes est surveillé, voire filmé, et où on peut se retrouver à tout moment représenté à son désavantage sur les réseaux sociaux, on hésite à s’abandonner sur le dancefloor. Mais heureusement, nous avons Tyler, alias Big Poe, qui entreprend de nous libérer avec cet album consacré à la danse. A toute la danse.
Ici, toutes les formes de rap de club sont plus ou moins représentées : electro hip hop, Miami Bass, crunk d’Atlanta (le classique « Knuck If You Buck » de Crime Mob est samplé sur « I’ll Take Care Of You »), et puis bien sûr cet axe N.E.R.D. / Neptunes qui structure toute la carrière de Tyler. Cela va au-delà du hip-hop, puisqu’on retrouve des traces de funk, de disco, de house et de drum’n’bass. Le rappeur chante même, parfois. Il nous invite au relâchement des corps, celui qui s’exprime par la danse, celui qui se manifeste aussi par son cousin, le sexe, sur le torride « Sugar On My Tongue ».
Ce n’est donc pas le Tyler introspectif du dernier album, Chromakopia, qui est à l’œuvre sur Don’t Tap The Glass. Ses états d’âme ne réapparaissent qu’à la fin, sur « Tell Me What It Is », quand il cherche l’amour sans succès, et qu’il laisse entendre qu’il continue malgré tout à se donner en spectacle. Mais ailleurs, sur ces beats funky, c’est plutôt le Tyler des origines qui sévit à nouveau. Celui, acide et acrimonieux de Bastard et de Goblin, le monstre derrière la vitre qu’on est censés ne pas frapper. Pour autant de chansons d’amour triste (« Ring Ring Ring »), on trouve des saillies agressives (« Stop Playing With Me »), Les textes du rappeur sont souvent caustiques, ses paroles sont du vitriol.
Morceau choisi :
I don’t trust white people with dreadlocks.
Je ne fais pas confiance aux Blancs à dreadlocks.
Bien vu. Nous non plus.
La danse, avec Tyler, cela demeure donc très particulier. Il ne renonce pas tout à fait à rester le rappeur atrabilaire et nihiliste qui s’est autrefois fait connaître, sur « Mommanem » par exemple, quand il dévoie ses envies de danse avec une composition ardue qui casse bien les oreilles.
Mais ici, on a un biais favorable envers les albums simples qui cherchent à taper fort, à choquer et à être efficace, plutôt qu’à faire art. Ici, on préfère la concision et la sobriété à la complaisance et aux joliesses superflues. Et par chance, par ses sons, par ses textes, Don’t Tap The Glass est exactement ça.