DAN SIMMONS – The Fall Of Hyperion (La chute d’Hypérion)
Publié en mars 1990,
par Doubleday.
Se lancer dans une œuvre à épisodes est un exercice risqué. Ceux qui l’ont tenté se sont parfois perdus en route. Dans ce type d’entreprise, la suite s’avère souvent moins exaltante que le début. Elle laisse un goût amer. Le retour du Jedi, pour citer un exemple qui parlera à tous, est un film hollywoodien fade, sans épaisseur. Mais il est en même temps le complément indispensable de L’empire contre-attaque, excellent quant à lui. On ne peut s’en passer. C’est un peu l’impression, aussi, que nous laisse The Fall Of Hyperion, la suite du très prisé Hyperion de Dan Simmons.
Ce premier volet, en effet, a été l’un des livres les plus cotés de la science-fiction récente. Un classique, pour beaucoup. Il compilait plusieurs histoires distinctes, toutes prenantes, racontées par des personnes au profil très différents, en route pour le même pèlerinage sur une planète éloignée. On sentait bien que, derrière chacun de leurs contes, il y avait une intrigue commune, que les différentes aventures qui étaient relatées étaient liées entre elles, ne serait-ce que par la présence d’une créature monstrueuse et étrange, le shrike, dans chacune d’elles ou presque. Mais cette explication commune manquait. Le récit prenait fin au moment même où les pèlerins arrivaient à destination, sans que la clé nous fut donnée. Hyperion s’achevait sur un point d’interrogation.
Or, The fall of Hyperion répond à la question – aux nombreuses questions – qui se posaient à la fin du premier volume. Enfin, au bout de ce second livre, tout ou presque est clair. Les différents récits se connectent entre eux, on comprend mieux l’état des forces en présence autour de la planète Hypérion et, au-delà, dans l’ensemble de l’univers habité. On saisit mieux les alliances et les objectifs de chaque parti. Le jeu, la nature et le but du shrike deviennent presque limpides, de même que ceux d’autres artéfacts, comme ces cruciformes qui ressuscitent les êtres, comme aussi ces labyrinthes qui existent dans les sous-sols de quelques planètes. Seules quelques explications manquent (par exemple, pourquoi est-il aussi compliqué pour Ummon d’expliquer aux humains où le Techno-Centre se situe, alors qu’il a pris leur parti depuis des années ? Est-ce juste une question de timing ?).
Ca y est, nous avons nos réponses. Mais c’est à peu près le seul mérite de ce second tome moins passionnant que le précédent. Une bonne part du livre se résume aux errances des personnages auprès des Time Tombs, à leurs confrontations incompréhensibles (du moins au début) et triviales avec le shrike. Ils gambergent, ils patientent, ils piétinent, comme l’intrigue avec eux. Sans la richesse des contes précédents, sans ces intrigues au déroulé rapide, Hyperion perd toute sa saveur. Il n’y a guère que les ultimes pages, quand tout se dénoue enfin, qui suscitent l’intérêt. Et encore, il s’agit plus d’un soulagement, que d’une apothéose. Enfin, le lecteur est délivré de sa longue attente.
Fallait-il vraiment tout un livre, pour aboutir à cela ? Dan Simmons n’aurait-il donc pas pu économiser quatre-cent pages, et livrer la clé de l’intrigue en ajoutant simplement quelques chapitres au premier volume ? Ou mieux, ne fallait-il pas s’arrêter là, ne jamais livrer de suite, et laisser le lecteur ad vitam aeternam dans l’expectative, libre d’interpréter et d’imaginer l’énigme qui sous-tend l’histoire ?
Quelquefois, il faut savoir s’arrêter. Et si l’auteur ne sait pas le faire, alors le lecteur le peut, et se satisfaire de la fin apportée à ce deuxième tome. Il peut se passer de la suite apportée par Dan Simmons avec Endymion et The Rise Of Endymion, les deux derniers volumes de ces Hypérion Cantos. Mais le pourra-t-il vraiment, sachant que l’auteur a pris bien soin de laisser quelques ouvertures et nouvelles énigmes à la fin, qu’il nous tarde à nouveau de résoudre ? Jusqu’à quel point saurons-nous endurer de nouvelles longueurs pour y trouver une réponse ?