ATMOSPHERE – When Life Gives You Lemons, You Paint That Shit Gold

ATMOSPHERE – When Life Gives You Lemons, You Paint That Shit Gold

Année après année, à force de persévérance, Slug, Atmosphere et Rhymesayers ont fait leur trou. Le rappeur, son groupe et son label sont devenus de grosses références underground, à même ou presque de rivaliser avec leurs pairs soutenus par l’industrie du disque. En 2008, par exemple, une quinzaine d’années après leurs débuts, When Life Gives You Lemons, You Paint That Shit Gold connaît un succès fort appréciable : la semaine de sa sortie, il grimpe à la cinquième place du Billboard. Atmosphere a fait preuve d’obstination et d’abnégation, et cela finit alors par payer. Cependant, même s’il est toujours resté fidèle à son éthique underground, le duo a malgré tout adapté sa formule avec le temps. Et sur cet album plus que tout autre, où l’on perçoit deux changements.

Le premier, c’est que Slug parle moins de lui, qu’il s’autoapitoie moins. Il y a bien « Yesterday », un dialogue personnel avec un cher disparu (son père, a priori). Il y a « Me », aussi, quand il parle d’un garçon en manque d’estime de soi, un garçon qui (le titre le suggère) pourrait bien être lui-même. Mais ailleurs, c’est aux autres que le rappeur se consacre, c’est d’autres personnes qu’il nous présente. When Life Gives You Lemons, You Paint That Shit Gold, en effet, est avant toute chose une galerie de portraits, ceux de petites gens qui doivent s’accommoder d’une vie modeste et difficile.

« Like The Rest Of Us » parle d’une femme contrainte au striptease pour joindre les deux bouts, « Puppets » d’une star ratée perdue dans ses remords et ses excès, « The Skinny » de l’esclave d’un maquereau blanc, « Dreamer » d’une mère adolescente et célibataire, « Shoulda Known » d’une compagne droguée, « You » d’une fille coincée dans son métier de serveuse et « Painting » d’un homme qui noie ses regrets dans l’alcool. « Your Glass House » est à propos d’une femme qui se réveille la gueule de bois dans les lits d’inconnus, « Guarantees » d’un type qui peine à joindre les deux bouts, « The Waitress » d’un SDF obsédé par une serveuse qui s’avère être sa fille et « In Her Music Box » d’une gamine qui fuit les disputes de ses parents dans la musique (du gangsta rap) de son père. Et comme pour mieux marquer cette nouvelle approche, Slug invite un grand portraitiste des héros cabossés de l’Amérique, Tom Waits, à la beatbox et à la guitare sur « The Waitress ».

L’autre évolution d’Atmosphere tient à la musique préparée par l’autre membre du groupe. Ant renonce presque aux samples pour privilégier les vrais instruments (piano sur « Puppets » et « Yesterday », guitare funk sur « Dreamer », hawaïenne sur « Painting », dépouillée sur « Guarantees » et « Me ») ou les synthés (« The Skinny », « Shoulda Known », « Your Glass House », « Can’t Break »). Ajoutés à cela les chants de Tunde Adebimpe de TV on the Radio sur « Your Glasshouse » et de Channy Casselle (future Poliça, et à cette époque femme du rappeur Crescent Moon) sur « Puppets », et l’on tient une autre texture, une autre nuance, un changement très sensible d’Atmosphere.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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