C’était une image qui faisait plaisir : en mai 2016, Gucci Mane sortant de prison, en forme, souriant, avec des kilos en moins et des muscles en plus, dans les bras de Keyshia Ka'oir, celle qu’il allait épouser un peu plus tard. Le rappeur d’Atlanta réapparaissait alors en pleine gloire. Enfin, il était reconnu par tous pour ce qu’il était : le rappeur le plus influent des dix années précédentes. C’est avec la même joie, aussi, qu’on voyait Guwop se remettre tout de suite au travail, puis sortir avec prodigalité de nouveaux projets. D’autant plus que ceux-ci, malgré leur production plus actuelle et plus robuste, semblaient fidèles aux dizaines de mixtapes grâce auxquelles il avait bâti son mythe. Mais après, petit à petit, à la réécoute de ces sorties, un étrange sentiment s’est mis insidieusement à nous envahir : une impression de fadeur, d’innocuité, comme si le bonheur et la reconnaissance mérités du rappeur l’avaient anesthésié.

GUCCI MANE - DropTopWop

Sorti le jour anniversaire de sa sortie de prison, DropTopWop a été le huitième projet de Gucci Mane depuis ce jour. Et cet album, conçu avec Metro Boomin, avec l'appui d'une jolie brochette de producteurs (London on da Track, Southside, DJ Spinz…), pourrait bien être une heureuse exception. Certes, c'est un rappeur en pilotage automatique que nous annonce "5 Million Intro", l'archétype même du morceau de Guwop, avec ces rimes simples dont le seul objet est de célébrer sa richesse, puis "Hurt a Nigga Feelings", sur le même sujet, mais sans la mélodie du précédent. Et si entre les deux "Tho Freestyle", un exercice de style autour du mot "though", se montre plus original, sa boucle de vieux jeu vidéo à la Tetris n'est pas des plus mémorables.

Mais après, DropTopWop franchit un palier. "Helpless", par exemple, est ce que Gucci Mane fait de mieux en matière de chanson d'amour, avec ses paroles libidineuses et son humour pince-sans-rire. "Met Gala" poursuit sur la lancée, avec le renfort d'Offset, de son rap rapide, et de son sens de l'absurde. Puis vient le moment où Guwop reprend avec brio une autre de ses casquettes, celle de dealer de drogue (la pochette de l'album n'est pas sans raison un clin d'oeil au Lord Willin’ de Clipse, manifeste du cocaine rap). Sur "Finesse the Plug Interlude" (qui n'a rien d'un interlude), Gucci Mane vante ses talents de marchandeur sur une production indolente, l'une des meilleures de Metro Boomin ici ; en tout cas jusqu'à ce que surgisse celle du magnifique "Dance With the Devil" où, toujours sur le même thème, le rappeur d'Atlanta nous laisse entrevoir l'envers du décor, avec une mélancolie et un sérieux rares chez lui.

Passé ce morceau, le sommet de l'album, il n'y a plus qu'à redescendre avec "Both Eyes Closed", une collaboration réussie avec deux des hommes en forme de 2017, 2 Chainz et Young Dolph. Puis viennent le bon "Bucket List", où Gucci Mane passe en revue les grands objectifs de sa vie, et "Loss 4 Wrdz", un duo avec Rick Ross où il nous parle des effets des drogues. Ce dernier, comme d'autres titres sur l'album, est assez accessoire. Tout comme le précédent, il nous montre que l'âge et son apanage, la sagesse, ont fini par rattraper Gucci Mane, ce qui est très bon pour l'homme, mais pas obligatoirement pour l'œuvre. Ce DropTopWop agréable, et parfois même exceptionnel, n'en est pas moins, selon toute vraisemblance, ce que le Guwop de l'ère actuelle pourra désormais nous offrir de mieux.

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