Rumi, l'excentrique rappeuse japonaise déjà vantée ici, n'est pas un cas isolé, elle a appartenu à toute une scène. Dès ses débuts, alors qu'ils étaient adolescents, elle avait fait brièvement partie d'un trio appelé Hannya, un nom sous lequel, par la suite, se ferait connaître en solo l'un de ses membres, Yoshi. Le troisième larron était alors un DJ, qui cofonderait plus tard Pop Group Recordings, le label sur lequel sortiraient les albums de son amie. DJ Baku ferait aussi bien plus. A la fin des années 90, il sortirait plusieurs mixtapes, où s'illustreraient ses talents de turntablist, et un peu plus tard, il éditerait un DVD, Kaikoo destiné à présenter l'underground hip-hop japonais. Et surtout, à partir de 2006, il proposerait plusieurs albums rien qu'à lui.

DJ BAKU - Dharma Dance

Le premier, intitulé Spinheddz, était réussi et réjouissant. Et le suivant, sorti deux ans plus tard, était également bon. En bon disque de DJ, il était principalement instrumental, ne comptant les interventions que de deux rappeurs : le touche-à-tout Seikô Itô, écrivain, acteur, mais aussi pionnier du rap nippon, sur "Dharma", et Dose One d'Anticon sur "Void It Out", histoire pour DJ Baku de montrer les ponts qu'il avait bâtis à l'international (l'année suivante, il y aurait même un DJ Baku vs. Dälek). En vérité, mis à part quand il se lançait dans des scratches ("Street Is Yours"), cet album ne sonnait pas particulièrement rap. La méthode était hip-hop, mais les sonorités elles, provenaient plutôt du rock, mélangeant les arpèges hallucinés de sa version psychédélique avec la vélocité frénétique de sa déclinaison punk. Et en supplément, couleur locale, on pouvait entendre aussi quelques petites traces de mélodies orientales, comme l'illustrait si bien le morceau qui faisait figure ici de lead single, l'endiablé "Akbah Attack".

Il y avait de nombreux autres titres de cet acabit, comme "Street Is Yours", un morceau tout aussi lourd que funky, l'imaginaire BO furieuse de "Crazy Tornado", le plus pesant mais tout aussi abrasif "Anahata Buzz", ce "Dragon Circle" parcouru des cris de samouraïs, et enfin l'entêtant "Ksana", l'autre tube de l'album, qui s'offrait le luxe de mélanger les guitares à des sonorités dub et orientales. C'était si effréné que ça pouvait en devenir lassant. Le DJ, toutefois, savait équilibrer les cadences en proposant aussi un acoustique et apaisé "Satya Dream", puis la mélodie japonaise traditionnelle de "Think Twice". Il y a fort longtemps, DJ Baku s'était rendu compte en fait que, tout fan de rap américain qu'il était, il n'arriverait jamais à tourner à l'étranger s'il offrait à son public ce que n'importe quel autre DJ pouvait lui apporter : un enchainement de titres de Nas. Aussi avait-il choisi de suivre une autre voie, plus personnelle, plus proprement nipponne. Cependant, plutôt que d'opter pour les atmosphères oniriques auxquelles (à raison parfois) on aurait tendance à associer le Japon, il avait développé cette formule véloce et très entrainante, qui lui a rarement autant réussi que sur Dharma Dance.

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PS : merci au défunt site Hip Hop Core, qui en son temps m'avait fait connaître DJ Baku