Souvent, parce qu'il est garni de sons funky et rempli de basses souples, le rap de la Côte Ouest est perçu comme doux, fluide, chaleureux. Il est si confortable que, parfois, en dépit de paroles qui le sont rarement, il paraît inoffensif. Il lui arrive même de devenir une sorte d'easy listening hip-hop. Cette approche, cependant, n'est assurément pas celle d'Armand Douglas. Rappeur de Compton affilié aux Crips signé sur la nouvelle mouture du label Priority Records, et plus connu sous le nom d'AD, celui-ci crie ses raps, plutôt qu'il ne les chantonne. Il s'époumone, et il préfère les sons qui cognent, qu'ils s'inspirent du récent style ratchet ou, au contraire, qu'ils cherchent à renouer avec l'époque d'avant le g-funk, avec ce rap californien urgent de la fin des années 80, une période à laquelle paraît se référer ce projet récent, intitulé Last of the 80's.

AD & SORRY JAYNARI - Last of the 80's

Celui-ci est la suite d'une association avec le collectif de producteurs League of Starz, commencée en 2015 avec le tube "Juice", et qui s'est prolongée avec un projet conçu avec Sorry Jaynari, l'un de ses membres. Ce dernier, By The Way, avait déjà reçu un accueil favorable, et il accueillait une belle brochette de sommités rap du Nord et du Sud de la Californie : E-40, The Game, Iamsu, RG, Nef the Pharaoh, G Perico, Mozzy, Ty Dolla $ign, et YG, pour un titre de réconciliation entre Bloods et Crips. Un an après, Last of the 80's a repris les choses là où elles avaient été laissées, avec un projet comparable où l'on trouvait en partie les mêmes invités.

D'après AD, ce second projet n'a pas seulement été un retour au son de la fin des années 80 et à des paroles qui sentent le 'hood. Bondissant, dansant presque, ce projet est trop moderne pour prétendre à cela. De son propre aveu, le rappeur de Compton a surtout cherché à renouer avec un temps où la musique était rare, où l'album comptait encore, où l'on cherchait des disques à écouter d'un bout à l'autre, sans se lasser, jusqu'à la sortie des prochains.

Et ma foi, il n'est pas loin d'y être parvenu. En se limitant à dix petits titres immanquablement californiens (visez donc le piano et les claquements de main de "Old Ways", ou encore les sirènes de "#CripLivesMatter", un hommage aux Crips avec G Perico), avec quelques tubes certifiés comme "Out The Hood", "Basic" et "Leakin", en livrant des morceaux aussi divers que l'ode à l'argent de "Who Dat?" (avec Kool John) et que les pauses R&B "Better" (avec Wiz Khalifa et Tory Lanez) et "Say" (avec Kid Ink et Eric Bellinger), sans rien perdre de sa dynamique, AD a réussi à nous offrir, peu ou prou, le projet cohérent et sans remplissage qu'il avait en tête.

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