L'an dernier, Young Dolph a enfin sorti un premier album, intitulé King of Memphis. A ce qu'il paraît Yo Gotti, qui revendique ce titre royal, en aurait pris ombrage. Cela aurait conduit à une querelle entre les deux rappeurs, dont la manifestation la plus éclatante aura été "Play Wit Yo Bitch", un morceau du jeune Adolph Thornton adressé à son nouveau rival. Puis vint ce fameux épisode du 25 février, dans la ville de Charlotte, quand Young Dolph, au volant de son véhicule, sortit indemne d'un guet-apens au cours duquel cent balles auraient été tirées. Un proche de Yo Gotti, Blac Youngsta, sera suspecté d'avoir été dans le coup, puis il clamera son innocence sur le titre "Birthday", avant que Young Thug ne le défende avec son "Free Blac Youngsta".

YOUNG DOLPH - Bulletproof

Tout cela, c'est le cirque tragique du rap, ce grand pataquès surréaliste où embrouilles, faits divers et musique se mêlent et s'entretiennent en permanence. Une leçon est à en retirer, toutefois : après ses débuts en indépendant et à force de sortir des mixtapes, Young Dolph est devenu un rappeur important. Même si c'est encore sur son propre label, il sort des albums, et il a franchi un palier depuis le succès du single "Cut It", avec Monsieur "CoCo", O.T. Genasis. Le rappeur ne laisse plus passer une occasion de tirer profit du battage médiatique, comme avec cet album sorti juste après l'attaque qu'il a subie, et qu'il a nommé "Bulletproof" : à l'épreuve des balles, donc, comme la voiture qui l'a sauvé et qui figure fièrement sur la pochette.

Cette tentative d'assassinat, c'est le thème de cette sortie. Les titres de ses morceaux, lus les uns après les autres à la manière d'un texte ("100 Shots", "In Charlotte", "But I'm Bulletproof", "So Fuk 'Em"…), sont un pied-de-nez à ceux qui ont voulu l'abattre. Le rappeur de Memphis, qu'on se le dise, est là pour narguer ses ennemis. Il leur adresse quelques piques délicieuses, comme sur "That's How I Feel", avec un Gucci Mane en grande forme. Dolph s'y moque de ceux qui ont commandité le meurtre, leur demandant s'ils ont un reçu pour se faire rembourser. Et sur "I'm Everything You Wanna Be", il explique comment son passé l'a immunisé. Rien ne peut l'atteindre, il est au-dessus, il a bien mieux à faire que de se faire descendre par des cons.

Et les sons disent la même chose, dès ce prenant "100 Shots" construit en crescendo, où Young Dolph proclame avec rage et avec morgue son invulnérabilité. C'est la même idée qui anime d'autres titres, toujours renforcée par une musique lente, imperturbable et incoercible, comme le rappeur prétend l'être lui-même. Et l'effet est souvent là, comme avec le lourd "But I'm Bulletproof", ou avec "All of Them", une contribution de Zaytoven où il vante son sex appeal de dealer. Toujours sûr de sa force, il s'offre même le luxe de clore Bulletproof par un a cappella. En fait, on devrait essayer de tuer Young Dolph plus souvent. Il n'en sort que plus vivant.

PS : au bout du compte, Young Dolph aura été abattu le 17 novembre 2021. Donc forcément, tout ce qui a été écrit un peu plus haut est devenu nettement moins drôle, tout à coup...

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