Housni Mkouboi est l'un des enfants terribles du rap français. Depuis ses débuts dans les années 90 au sein de la Mafia K'1 Fry, le collectif central du Val-de-Marne, le rappeur connu sous le nom de Rohff s'est autant fait connaître par ses frasques et par ses passages en prison, que par ses albums multi-platinés. Sa seconde mixtape, Le Cauchemar du Rap Français, conçue avec l'appui de DJ Mosko, est sortie d'ailleurs alors qu'il était en détention, et qu'il purgeait une peine pour violence avec armes (il avait menacé son petit frère avec un 357 Magnum, sur fond d'embrouilles entre rappeurs…). Elle lui permettait ainsi, au cœur d'une période de trois ans sans album (le prochain, Le Code de l'Horreur, sera l'un de ses disques emblématiques), de combler le vide et de se montrer à ses fans.

ROHFF - Le Cauchemar du Rap Français

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Cette mixtape remplirait pleinement cet objectif, devenant l'une des plus célébrées dans le rap français. La raison, c'est qu'elle se montrait dépourvue des compromis et de l'autocensure qui, en France encore plus qu'ailleurs, tirent le hip-hop vers le bas, le prévisible et l'aseptisé, quand il choisit le chemin du format commercial. Rohff, ici, allait s'employer à satisfaire la personne qui, en introduction, espérait entendre "un rappeur qui ne baisse pas son froc". A force de gouaille et de rage, avec un vocabulaire très explicite (sexe, violence) et en assumant pleinement son identité de racaille et de métèque, il faisait de cette sortie un diamant brut.

Plutôt qu'une suite de morceaux ciselés et distincts, Le Cauchemar Du Rap Français était une sorte de long freestyle continu et échevelé, une démonstration de tchatche de près de 80 minutes, appuyée par tout ce que le rap comptait de gros sons : scratches, sirènes stridentes et boucles issus de la décennie 90, ou notes de synthé emphatiques et voix screwed à la mode des années 2000. La mixtape se parait ainsi d'un aspect ghetto, spontané, sans calcul, qui se traduisait aussi, pour la petite histoire, par une faute d'orthographe sur la pochette ("cauchemard", y lisait-on à l'origine). La chevauchée folle de Rohff semblait d'autant plus impressionnante, quand on se souvenait que le rappeur d'origine comorienne, quand il était arrivé dans le pays à 7 ans, ne parlait pas le français.

Ici, il était la principale personne, et de loin, à s'exprimer. Pour autant, on ne se lassait pas. Les vraies improvisations, déclamées sur du Cypress Hill ou du Dr. Dre, s'accompagnaient d'inédits, de remixes et de collaborations avec des compagnons fidèles, comme son frère TLF, ou Kery James sur "94 Mentale", le morceau rituel dédié à leur département d'origine. Avec son DJ, Rohff avait aussi eu la bonne idée, comme en club, de diversifier un peu les sons en fin de course, recourant à la chanteuse R&B Gen Renard sur l'entrainant "Frais", ou bien jouant d'influences reggae / dancehall, faisant ainsi de cet objet destiné aux fans un disque plus équilibré, plus pur et plus satisfaisant que beaucoup de ses albums.