De nos jours, Nipsey Hussle est un nom bien établi de la scène rap de Los Angeles. Dès la fin des années 2000, il était assez reconnu pour collaborer avec des poids lourds comme The Game, Drake, et Snoop Dogg, à qui il a souvent été comparé. Et pourtant, le rappeur connu dans le civil sous l'identité d'Ermias Asghedom (ce nom étrange lui vient d'un père érythréen) n'a jamais proposé d'album officiel. Son Victory Lap maintes fois annoncé n'étant jamais sorti, c'est par des mixtapes qu'il a fait carrière. Plusieurs, à partir de 2010, furent très remarquées, comme les deux Marathon, ou Crenshaw, un peu plus tard, un projet qu'il parvint à vendre 100 dollars l'unité, alors même qu'il était distribué gratuitement sur Internet.

NIPSEY HUSSLE - Bullets Ain't Got No Names Vol. 2

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Le socle de cette notoriété remonte à des mixtapes antérieures (et souvent supérieures) à celles citées plus haut : la trilogie des Bullets Ain't Got No Names, étalée sur 2008 et 2009, et dont le second volet pourrait être la meilleure introduction à Nipsey Hussle. Dans la pure tradition de sa ville, il s'y présentait comme un enfant de la rue et des gangs (de fait, il a été membre des Rollin 60's, une faction des Crips). Sur "All money In", il était ce garçon né de rien, auquel la délinquance a tout apporté. La passion des armes s'exprimait sur l'agressif "Thuggin", un titre servi par une intervention royale de Lil Boosie. Sur "Roll The Windows Up", il nous dépeignait un ghetto assiégé par les flics et promis à la retraite dans la prison de Saint Quentin. Sur un ton moins paranoïaque, "Kush & Haze" nous exposait les détails d'un art de vivre gangsta, tandis que "They Roll" développait la vieille mythologie des Crips et des Blood, l'intéressé et son invité, The Game, représentant chacun l'un des deux gangs historiques de Los Angeles.

Intronisé par le même The Game, qui faisait figure de parrain sur cette mixtape, Nipsey Hussle ranimait le feu du gangsta rap californien des années 90. Musicalement, il s'inscrivait pleinement dans cette lignée, ouvrant ce projet, avec "Jaccin For Beats", sur les notes de piano du "Ambitionz Az a Ridah" de 2Pac, et inscrivant son "Hussle in the House" dans le prolongement de "Straight Outta Compton". Il y avait les mêmes sons souples et mélodiques qu'à cette grande époque, par exemple sur l'excellent "Kush & Haze", ou avec l'orgue mélancolique de "Blacc Ice", ainsi que les mêmes samples de funk 70's, celui des Ecossais de l'Average White Band, ou celui du "Everybody Loves the Sunshine" de Roy Ayers. Il y avait aussi les mêmes sirènes g-funk, comme sur "Never Gonna Change". Cependant, comme le prouvaient ces traces de modernité qu'étaient cette reprise de "Bullets" (le titre redoutable qui avait ouvert et baptisé la première mixtape), l'Auto-Tune de "They Roll", ou les synthétiseurs vrombissants et les rythmes à la mode trap music de "Lets Talk Money", c'était du rap West Coast rénové et réactualisé, et sans doute le meilleur que Nipsy Hussle ne nous ait jamais servi.