Ruff Sqwad Recordings :: 2005 / 2007 :: acheter la mixtape

Fédérant autour d'eux d'autres gens comme Shifty Rydos, Slix et, pour le plus connu, Tinchy Stryder, tous d'origine africaine, ils allaient donc fonder le Ruff Sqwad. Celui-ci prendrait d'abord une tournure amatrice, jusqu'à ce que l'engouement médiatique autour du grime, vers 2003, les incite à créer un label, Ruff Sqwad Recordings, sur lequel sortirait plusieurs singles et puis, en 2005 et 2006, les deux mixtapes Guns 'N' Roses. Concrétisation très attendue d'un projet commun long format, la première édition en avait pourtant décontenancé certains. D'abord, elle s'était un peu écartée du son propre au collectif, de son goût pour les mélodies et pour les grosses guitares. Aussi, alors que le grime avait fait la promesse d'une musique 100% anglaise, les MCs de Ruff Sqwad rappaient parfois sur les sons volés à des collègues américains, comme Ludacris et Black Rob.

Ce tropisme étatsunien, certains auraient bien voulu l'ignorer, les Britanniques par chauvinisme culturel, les Américains par envie d'exotisme. Mais il a toujours existé avec le grime. Celui-ci demeure, à la base, une forme de rap, et Guns 'N' Roses en témoigne. La diction des MCs vient de là, malgré leurs forts accents anglais et leurs intonations d'influence jamaïcaine ; les postures aussi, qui sont celles de mauvais garçons arrogants, amateurs de jeunes filles et de confrontations brutales ; de même que le caractère populiste de ce genre, celui-là même qui fait tout son attrait, et qui l'a distingué, au début des années 2000, de musiques électroniques souvent devenues l'apanage des esthètes et des laborantins.

Ce populisme rap, le Ruff Sqwad le conservait et l'illustrait ici, tout en lui adjoignant l'héritage et les expérimentations de quinze années de musiques électroniques en Angleterre. "1999" ramenait dans le ghetto les voix féminines autrefois entendues dans les rave. Les flows trépidants et les cuivres synthétiques de "Future" en faisaient un titre très puissant. "Jampie" prouvait qu'on pouvait tout recycler, en jouant d'une mélodie chinoise. "Ice Cream" conciliait des sons électroniques aléatoires et démembrés à des chants plus dancehall qu'autre chose. Et le somptueux "Jennifer" déployait des raps et des sons martiaux à souhait. Bref, c'était du grime, du pur et dur, dans toute sa splendeur et toute sa diversité.

Né dans la rue, épanoui dans les clubs et sur les radios pirates, le grime est avant tout un genre à singles. Par ailleurs, au milieu des années 2000, les mixtapes n'étaient pas encore des albums de substitution. Aussi Guns 'N' Roses Vol. 1 n'avait-elle pas la constance et la finition d'un vrai beau projet. Y présidait encore un esprit très do-it-yourself. Mais elle bénéficiait de l'énergie des nombreux MCs conviés, plus ou moins affiliés au collectif, ou extérieurs comme Wiley, et d'une qualité de production qui a toujours été le propre de Rapid et Dirty Danger. Par ailleurs, ceux qui avaient été gênés par son caractère inégal pourraient bientôt se satisfaire de la réédition de 2007, qui allait substituer aux titres les plus anodins les morceaux d'anthologie du collectif, comme "Anna", "Together", "Cuckoo" et "Timm", transformant en classique un moment important de l'histoire du grime.