Le A$AP Mob, aujourd'hui, peut sembler de l'histoire ancienne. Chouchou des critiques en 2011, A$AP Rocky, la tête de proue du collectif new-yorkais, n'a pas convaincu avec son premier album, Long. Live. ASAP (2013). Et bien sûr, vus de loin, ses compagnons apparaissent avant tout comme des seconds couteaux, y compris Darold Ferguson Jr., alias A$AP Ferg, sans doute le plus connu après lui. Même si son premier album, Trap Lord (2013), avait bénéficié de quelques égards, il était desservi par son aspect décousu, qui le rapprochait d'une mixtape.

A$AP FERG - Ferg Forever

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Avec Ferg Forever, disponible depuis novembre 2014 et sorti dans la série des Gangsta Grillz de DJ Drama, il n'y a plus aucune ambigüité. Cette fois, il s'agit bel et bien d'une véritable mixtape, la première même, pour cet homme qui, créateur de fringues au début de sa carrière, est devenu un rappeur sur le tard. Cette sortie est, de fait, très comparable à Trap Lord. Comme lui, elle est inégale, et elle pioche dans de nombreux registres. On y trouve un "Perfume" synthétique et très trap rap, un poisseux "Jungle", un "Bonnoroo" plein de soul (ou de R&B), une production cloud rap ("Uncle"), une excursion en Jamaïque ("Jolly"), du boom bap new-yorkais à l'ancienne ("NV") et du minimalisme dansant avec "Now", "Doe-Active", et ce "Dope Walk" où il tente d'imposer une nouvelle chorégraphie.

On passe de paroles qui célèbrent la rue ("Hood Tales", "This Side") à d'autres qui confinent au journal intime ("Bonnoroo", "Uncle", "Thug Cry", "Commitment Issues"), d'une célébration de ses exploits sexuels ("Weaves") à des vocalises étranglées comme on n'en entend usuellement que chez les allumés d'Atlanta ("Fergsomnia", "Doe-Active"). A$AP Ferg ne s'y distingue par aucun style distinct, par aucune personnalité particulière. Il prend même un malin plaisir à copier quelques prédécesseurs, comme avec ce "Now" qui pique à T.I. la mélodie de "24's", et ce "Weaves" qui en fait autant avec le refrain du "Back that Ass Up" de Juvenile. Ou bien il les invoque et se compare à eux, comme avec "Ja Rule".

Cependant, le rappeur prouve que son rayonnement, comme celui du A$AP Mob, demeurent significatifs, en conviant quelques hôtes de marque. Outre quelques uns de ses proches, comme A$AP Nast, son hype man Marty Baller et la rappeuse et productrice Crystal Caines, il a invité Big Sean, le vétéran Twista, l'homme du moment YG, l'Anglaise M.I.A., qu'il a côtoyée en tournée, ainsi que, dans d'autres veines musicales, le Trinidadien Bunji Garlin et la chanteuse SZA. Caractéristique notable de Ferg Forever, il y a d'ailleurs beaucoup de femmes, sur cette mixtape.

A$AP Ferg, aussi, livre tout au long de cette sortie quelques grands moment, bien davantage que sur Trap Lord. Pas de "Shabba" cette fois, mais d'autres titres au potentiel tubesque comme "Perfume", et un "Reloaded (Let It Go Pt. 2)" où le trio formé par Ferg, Crystal Caines et M.I.A. fonctionne à plein régime. Et si, "Fergsomnia" est irritant, si "Uncle" est caractéristique des productions les plus soporifiques de Clams Casino, et si les paroles des titres les plus emo tournent au rédhibitoire, tout cela est compensé par le gothique "Jungle", par le très accrocheur "Real Thing", par ce final "Talk It" où Clams Casino montre cette fois son meilleur visage, et par d'autres plages encore. En bonne mixtape, Ferg Forever souffre en fait d'être trop longue, et sans direction. Mais à 20 minutes près, le rappeur de Harlem était à deux doigts de nous livrer le projet de sa vie.