Il existe une loi implicite, dans le hip-hop, selon laquelle les rappeurs vieillissent souvent mieux que les producteurs. Alors que l'on cesse rarement d'être un grand lyriciste, on perd plus facilement l'inspiration, côté musique. Aussi, quand un vétéran du micro s'acoquine avec un beatmaker plus jeune, ça peut parfois donner à de bonnes choses. Myka 9 et Factor l'avaient déjà montré en 2009 avec l'album 1969. Et ils confirment avec Sovereign Soul, un second disque conçu en commun.

MYKA 9 & FACTOR - Sovereign Soul

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Myka 9, en effet, semble être entré dans la nouvelle décennie plus en forme que jamais. L'homme qui avait commencé comme ghostwriter pour N.W.A., avant de s'illustrer avec les exercices en format libre de la Freestyle Fellowship, a sorti pas moins de quatre albums en deux ans, The Promise, avec son groupe, et trois (presque) en solo, Mykology, Gramophone, ainsi donc que ce Sovereign Soul.

Or, de manière générale, chacune des ces sorties contient de bonnes choses. Toutes dévoilent un rappeur qui maîtrise mieux que jamais son flow rapide, élastique et acrobatique, capable de passer sans heurts d'un rythme effréné ("You Are Free") à des allures plus humaines ("Zo Oh Owe Ning"), ou de mélanger rap et chant en un seul souffle ("Bask in these Rays", avec Ceschi et Astronautalis).

Et sur Sovereign Soul, les beats de Factor lui vont bien. Depuis plus de 10 ans que le Canadien sort et produit des disques, les amateurs de rap indé connaissent bien ses sons. Ils savent qu'ils sont divers, qu'ils empruntent à de nombreux genres musicaux, mais que souvent, ils sont aussi un peu linéaires. Cependant, c'est exactement cela qu'il faut à Mika 9 : des boucles pas trop complexes ni tarabiscotées afin que le rappeur demeure au centre du jeu ; mais en même temps, des sons assez riches et variés pour accompagner sa large palette de raps.

C'est ainsi que, sur cet album, on passe des guitares rock de "Sovereign Soul", "Hard Hit", "Ode to Cosmosis" (avec Abstract Rude, Moka Only et Freewill) et "Indigenous Areas" (avec Erule), à de la soul façon Isaac Hayes ("Mind Heights"), puis au party rap tendance old school de "Sexy to the Beat" et "Heaven Up", au ragga dancehall de "Bless Me Out", avec Jah Orah, et à un "In So Far As We Know" de science-fiction. Et n'omettons pas de mentionner "5 Mikes", un posse cut qui, comme son nom l'indique, s'amuse à réunir cinq rappeurs prénommés Mike.

Cette diversité, c'est à la fois la faiblesse et la force de Sovereign Soul. Sa faiblesse, parce qu'elle le rend confus et mal fichu ; sa force, parce que tout un chacun pourra trouver de quoi se réjouir sur cette sortie, qui est tout à la fois un vrai disque de virtuose du rap, et un album de pop globalement réjouissant.