Mais où est donc passé le futur ? Qu'en est-il de cette pop music qui, autrefois, savait être aussi innovante que populaire ? Telle est la question que se pose Simon Reynolds dans son livre Retromania, traduit et publié en France en 2012. Cherchant encore l'avenir de la musique dans le rock, ou dans les sons électroniques de l'après-rave, le critique britannique, en vérité, n'a pas cherché au bon endroit : du côté du rap. Le futur de la pop music, en fait, il est là, sous son nez. En cette même année, il s'annonce à travers un individu qui a poussé le vice jusqu'à en prendre le nom : Future.

FUTURE - Pluto

Ce rappeur, il faut dire, est allé à la bonne école. Issu d'Atlanta, il est apparenté (au sens propre du terme, puisqu'il est le cousin de Rico Wade) à Organized Noize. Et c'est au sein de la Dungeon Family que Nayvadius Wilburn a acquis son pseudonyme, le collectif ayant vite repéré en lui le futur du rap. Tout s'est accéléré en 2011 avec des mixtapes remarquées telles que Streetz Calling et True Story, sa collaboration avec Gucci Mane sur Free Bricks, et le succès de l'excellent single "Tony Montana". C'est ainsi que Future s'est retrouvé chez la major Epic, et qu'il a sorti un premier album, Pluto, considéré par beaucoup comme l'un des événements rap de 2012.

Alors, à quoi ressemble-t-il donc, ce futur du rap ?

La singularité du rappeur, c'est d'abord sa voix, chaude mais cassée, éraillée, au bord de la rupture, comme s'il avait trop crié, ou trop pleuré. Ensuite, c'est la façon dont il l'utilise, si mélodique qu'il devient parfois impossible de distinguer le rap du chant, les deux se mêlant de manière inextricable. A cela, s'ajoute l'utilisation de l'Auto-Tune, la machine la plus casse-bonbon de ces dernières années, dont le rappeur réinvente et régénère l'usage, l'employant à souligner sa fragilité.

Cette fragilité, cette sensibilité, cette vulnérabilité, c'est l'autre attribut de Future. Et elles sont à leur paroxysme sur des titres tels que "Truth Gonna Hurt You" et "Neva End". Notre homme s'expose, dans un registre pas si éloigné d'un Drake (lequel collabore d'ailleurs à Pluto), mais avec un côté bien plus sale, bien plus écorché vif. Plus street. Plus thug.

Pluto est le disque grand public de Future, celui de la mise sur orbite. Certains lui reprocheront donc un son plus propret que sur mixtapes. Par ailleurs, pour marquer son entrée dans la cour des grands, le rappeur a arraché certains de ses invités au passé, plutôt qu'au futur, à l'image de R. Kelly.

Cet album, pourtant, Future l'a réussi. En recyclant ses hymnes avec des sons plus puissants, comme le brûlot "Same Damn Time", et comme "Tony Montana", toujours aussi bon, avec ou sans le renfort de Drake. Puis en y ajoutant quelques autres aussi notables, comme cet "I’m Trippin" produit et renforcé par Juicy J, la jolie ballade "Neva End", cet "Homicide" accompagné d'un Snoop Dogg en forme, et surtout "Turn On The Lights", la perle de l'album.

Même ses titres doucereux, tel "Parachute", sortent grandis d'écoutes répétées. Comme tout l'album, d'ailleurs. Comme tout ce Pluto qui, pas seulement pour son imagerie intersidérale, allusion à peine voilée à la drogue, donne raison au titre de la plage introductive ainsi qu'aux propos du poète spoken word vétéran Big Rube : le Future, c'est maintenant.

Acheter cet album