Il y a deux manières de critiquer l'album de Chief Keef. Il y a la première, celle des vieilles barbes du hip-hop, qui vont railler comme à leur habitude les beats pompiers, les thèmes convenus, l'immaturité, les provocations gratuites et les raps sans virtuosité de la nouvelle génération. Et puis il y a l'autre, plus recevable, qui consiste à proclamer que Finally Rich ne remplit pas tout à fait les promesses tenues tout au long de 2012, depuis l'excellente mixtape Back from the Dead, qui avaient intronisé Keith Cozart et ses compères comme le next big thing du rap.

CHIEF KEEF - Finally Rich

Glory Boyz / Interscope :: 2012 :: acheter cet album

La sauce, en effet, a bien monté. En 2012, le rappeur de 17 ans est passé par toutes les étapes qui permettent de construire les nouvelles sensations rap : des titres qui ont fait le buzz sur Internet, révélant toute une scène, celle de la drill music ; une grande mixtape ; l'intérêt des aînés, Kanye West ayant remxé son "I Don't Like" ; un arrière-plan social délétère, avec ce Chicago où la violence a explosé ces dernières années ; des frasques en veux-tu en voilà, poursuites pour port d'arme, photos de turlute postées sur Instagram, paternité précoce, et moqueries sur un rival assassiné à 16 ans, Lil Jojo ; et in fine, un disque sur une major, rempli de briscards du rap comme 50 Cent, Rick Ross ou Young Jeezy.

Finally Rich, cependant, n'est pas une totale révolution, pas plus que la drill dans son ensemble, sorte de version nordique de la trap music, le nihilisme adolescent en plus. Vu de loin, sa seule marque distinctive est ce gimmick, "bang bang", employé sur nombre de morceaux. Le disque ne se distingue pas non plus par l'adresse verbale d'un Chief Kief terriblement premier degré, qui préfère les slogans et les mélodies rudimentaires ("Love Sosa", "Hate Bein’ Sober") à l'art du rythme et de la rime complexes. Avec ces beats préparés pour l'essentiel par un Young Chop sous forte influence Lex Luger, ce disque se montre monolithique, malgré des tentatives de diversion comme ces "Kay Kay", "Ballin'" et "Got Them Bands" à la Future, tout en Auto-Tune, et les nappes atmosphériques de "Citgo".

Ces sons cartonnent, pourtant. Davantage même que Chief Keef, ils offrent des tubes à l'album. Tout répétitif qu'il soit, cet "I Don’t Like" où le rappeur, secondé par son compère Lil Reese, énumère tout ce qui le débecte, y est plus efficace que jamais, de même qu'un autre single, cet "Hate Bein’ Sober" auquel se joignent 50 Cent et Wiz Khalifa, très pop avec ses cordes synthétiques, et cet “Hallelujah” à point avec son orgue et ses cloches. Même les rires sinistres qui ponctuent "Laughin to the Bank" font leur effet. Ce sont là des réussites, qui excusent la présence de plages plus faibles, comme ces inutiles "Diamonds" avec French Montana, et "Understand Me" avec Young Jeezy, et cet entêtant "Ballin'" déjà cité.